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  • : le blog yossarian
  • : Grand lecteur de romans noirs, de science-fiction et d'autres trucs bizarres qui me tombent sous la main
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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 17:52

     Amateur de Jean-Patrick Manchette, j'ai un peu de mal à trouver ma came parmi les auteurs français. J'avoue que les têtes de gondole actuelles ont surtout le malheur de me faire fuir. Entre les thrillers haletants dont les pages se tournent toutes seules, d'ailleurs sans moi, et les néo-polars abonnés à la bonne conscience de gauche (faîtes ce qu'on vous dit, pas ce que l'on fait), le choix n'est guère étendu.

     Certes, on trouve encore de quoi picorer chez Manotti, à petite dose, DOA ou Jérôme Leroy, toutefois pour le reste, c'est morne plaine...

     Même Barouk Salamé, pourtant chaudement recommandé dans les milieux bien informés (formule creuse homologuée n°3), m'a laissé perplexe par la profusion de ses clichés.

     Je me languissais dans mon coin du web lorsque La Politique du tumulte m'est tombé dessus, entre les mains devrai-je plutôt affirmer, comme une révélation dans le désert (je manie la métaphore lourde, si je veux). Bref, j'ai enfin retrouvé le plaisir de lire un roman noir français.

 

     Pas facile de résumer l'histoire de François Médéline. L'auteur élabore un récit dont les méandres sinueux nous plongent dans les eaux saumâtres de la Ve République sur près de vingt années. Cependant, l'exercice n'est pas insurmontable, contrairement aux avis proclamant ici et là que l'intrigue de l'auteur lyonnais était difficile à suivre. Faut croire que la lecture de thriller finit par attaquer le cerveau.

     Nous sommes dans les années 1990. Le règne de François Mitterrand tire sur sa fin. En coulisse, les successeurs potentiels fourbissent leurs armes. Coups bas et coups fourrés s'apprêtent à achever l'amitié de trente ans de deux grands fauves. Les seconds couteaux s'agitent, excités par l'odeur du sang.

     Un scandale sexuel éclate menaçant de faire resurgir au grand jour des manipulations passées. La pègre lyonnaise semblent tremper dans l'affaire et des prostituées sont retrouvées mortes, victimes d'overdoses survenues à point nommé. Une tempête médiatico-politique bienvenue, balayant les positions des uns pour le plus grand profit des autres. À moins qu'un tumulte de plus grande ampleur ne vienne étouffer le précédent...

     Au cœur de ce dispositif, on trouve Secondi. Cet ancien d'Algérie, expert en barbouzeries, est un habitué des officines secrètes. Affilié à la DST et aux zones grises de la politique, il a des accointances avec certaines personnalités publiques dont il tait bien entendu l'identité exacte, usant de surnoms à leur place. Dépourvu de tout état d'âme, calculateur, solitaire, il apparaît comme un instrument efficace du pouvoir.

     En parallèle aux manigances de la barbouze, Léa Bruni incarne l'image de l'innocence et de la pureté. La jeune femme mène une enquête plus personnelle sur la mort mystérieuse de sa mère pendant son enfance. Malgré les manœuvres de sa famille adoptive, Léa commence à reconstituer les circonstances du décès de sa génitrice. Ce faisant, elle fait émerger des noms, des relations et des événements passés quelque peu sordides. Les secrets de famille sont rarement reluisants, mais ici ils sont de surcroît nauséabonds.

     En compagnie de Manu, un proxénète cocaïnomane, elle remonte jusqu'à une affaire judiciaire ayant jadis soulevée l'émotion de la France entière.

 

     À la fois sarcastique, violent et dépourvu de toute naïveté, La Politique du tumulte s'avère un roman addictif. Entre Rhône et Saône, via la Corse, François Médéline mêle la fiction à une certaine dose de réalité, entraînant le lecteur au cœur du mensonge d'État. Il retrace vingt années d'histoire politique de la Ve République, via ses coulisses, décrivant les pratiques et mœurs du pouvoir d'une manière qui n'est pas sans rappeler James Ellroy ou Jean-Patrick Manchette. Un envers du décor parsemé de chausse-trappes, de pièges à loups, où partouzes et relations avec la pègre ne semblent choquer guère de monde.

     Il échafaude une intrigue complexe, morcelée entre différents points de vue, réveillant les échos de scandales politico-judiaires passés – affaires Alègre et Ranucci – pour donner corps à une chronique désenchantée de notre époque.

     Porté par trois personnages magnifiques, Secondi et le duo Léa-Manu, La Politique du tumulte se distingue également par de formidables seconds rôles. Des policiers besogneux, manipulés de bout en bout, au juge obligé d'en rabattre, en passant par le travelo péruvien et le présentateur d'une chaîne cryptée bien connue pour son impertinence factice, François Médéline fait montre d'une maîtrise forçant l'admiration.

 

     Bref, je me trouve maintenant très impatient de suivre ce jeune auteur, pour ne pas dire haletant...

 

tumulte.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Politique du tumulte de François Médéline – La Manufacture de livres, septembre 2012

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commentaires

W
I would say that you too have some great talent to write indeed. I never thought you had so much in you. And as a matter of fact you do deserve some appreciation. Thanks a lot for sharing such a lot of information.
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K
<br /> Dans ces conditions....<br />
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K
<br /> Tiens tu m'intéresses, je suis également en froid avec le polar français moderne.<br />
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Y
<br /> <br /> Je te rembourse si tu es déçu.<br /> <br /> <br /> <br />