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  • : Grand lecteur de romans noirs, de science-fiction et d'autres trucs bizarres qui me tombent sous la main
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17 août 2008 7 17 /08 /août /2008 17:30

     Cet article est également disponible en ligne sur le site du Cafard Cosmique auquel je contribue régulièrement.

     On a longtemps tenu la science-fiction pour un champ littéraire exclusivement anglo-saxon. Mais depuis la parution de l’anthologie « Chasseurs de chimères », il semble bien que les frontières bougent. Parmi les auteurs cités par Serge LEHMAN, un nom attirait particulièrement l’attention : celui de Régis MESSAC. Bonne nouvelle ; l’œuvre de l’auteur, qui était devenue quasi-introuvable, est désormais en voie d’exhumation grâce à une association créée en 2006 : Les amis de Régis MESSAC. Trois ouvrages – un roman, un recueil d’articles et les dernières lettres de l’auteur – viennent d’être réédités en cet automne 2007. Un autre titre de l'auteur « Le miroir flexible » est venu s'ajouter à cette liste en 2008.

 

     Régis MESSAC est né le 2 août 1893 à Champagnac [Charente-Maritime]. Fils d’un couple d’instituteurs, il est un enfant de la Laïque, ce qui explique d’emblée son intérêt pour les questions sociales et son anticléricalisme. C’est aussi un enfant de l’Ecole républicaine, soucieux d’éducation populaire ; il collabore pendant un temps à l’Université populaire de Montpellier et écrit une multitude d’articles dans des revues comme Les Primaires, Les Humbles… Il étudie et tente d’intégrer l’Ecole normale supérieure par le biais de la Khâgne du lycée Condorcet [Paris] mais échoue à deux reprises. 
     La Première Guerre mondiale vient stopper ses tentatives. Il est mobilisé et envoyé combattre sur le front où il est blessé très rapidement [une balle lui perfore le crâne]. Il profite alors de sa convalescence pour obtenir sa licence de lettres, puis termine la guerre dans les troupes auxiliaires. Comme il refuse toute promotion, l’armée l’affecte à divers postes subalternes et notamment sur les quais de Dunkerque où la fréquentation des Tommies lui permet d’apprendre l’anglais.
 
     Rendu à la vie civile en 1919, Régis MESSAC est reçu à l’agrégation en 1922 et commence à enseigner au lycée d’Auch. Cependant son ambition demeure d’entrer à l’université. Il profite donc de sa connaissance de la langue anglaise pour s’expatrier de 1923 à 1929 et enseigner en terre anglo-saxonne [une année comme lecteur à Glasgow puis cinq ans à l’université McGill de Montréal]. De retour en France, il soutient sa thèse et reçoit le titre de docteur ès lettres. Malgré une mention très honorable, il ne réussit cependant toujours pas à passer les portes de l’université. Déçu, il demande sa mutation au lycée de
Coutances où il s’installe en 1936 avec sa famille. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Régis MESSAC s’investit clandestinement dans la constitution de la section locale du réseau de résistance Front national et organise une filière d’évasion des jeunes gens soumis au STO. Il est arrêté sur dénonciation le 10 mai 1943, puis condamné par un tribunal militaire allemand à un an de prison et déporté comme prisonnier Nach und Nebel franzosen. On perd sa trace en janvier 1945 et l’on suppose qu’il a péri durant les marches de la mort de la fin de la guerre.

 

     Régis MESSAC déparait dans le milieu où il évoluait. Personnage curieux de tout, son attention s’est portée sur un vaste champ de connaissances. MESSAC était un esprit ouvert aux nouveautés. Romancier, traducteur, critique, essayiste, pamphlétaire, il était un véritable polygraphe. Ses centres d’intérêt le portaient vers la préhistoire, la linguistique, la religion, les sciences, l’éducation, les arts, le roman policier – on lui doit un ouvrage précurseur pour le genre en France [« Le Detective novel et l’influence de la pensée scientifique »] – et la conjecture rationnelle. Ce dernier point rejoint d’ailleurs une autre préoccupation de l’auteur, celle du devenir de l’Humanité. Comme le rappelle Serge LEHMAN dans l’introduction de l’anthologie « Chasseur de Chimères », MESSAC a fait œuvre de théoricien et de propagateur de la science-fiction en France en lançant une collection spécialisée « Les Hypermondes » qui aurait pu changer la donne si la guerre n’était pas venue mettre un terme à sa vie. Cette collection créée au sein de la maison d’édition La fenêtre ouverte, dirigée par René BONISSEL [1898-1978], instituteur et syndicaliste, énonçait la proposition de foi suivante : (…) Ce sont les mondes hors du monde, à côté du monde, au-delà du monde, inventés, devinés ou entrevus par des hommes à la riche imagination de poètes. Il faut, pour les visiter, entreprendre les voyages imaginaires, les voyages impossibles. Elle préfigurait donc par ses thématiques la science-fiction. Seuls trois titres sont parus : « Quinzinzinzili » [1935] et « La cité des asphyxiés » [1937] de Régis MESSAC et la traduction des nouvelles de son ami David H. KELLER [« La guerre du lierre », 1936]

     La vision du devenir de l’Humanité qu’offre MESSAC dans ses romans de science-fiction est très pessimiste mais on ne peut pas affirmer non plus qu’elle soit totalement désespérée. Ses écrits sont rehaussés par un humour grinçant et provocateur qui semble appeler un sursaut moral. De plus, les actes individuels de MESSAC désamorcent définitivement la suspicion de nihilisme. Dans sa vie, il a été un individu engagé mais non encagé pour paraphraser André CAMUS. Pacifiste convaincu mais clairvoyant, il n’a eu de cesse que de rejeter l’orthodoxie stalinienne et les valeurs de la société bourgeoise et du monde universitaire comme en témoigne son pamphlet « A bas le latin ! ». Il a, par ailleurs, toujours gardé ses distances vis-à-vis du dogmatisme des partis de gauche, leur préférant le comité directeur de la Ligue internationale des combattants de la paix.
 

BIBLIOGRAPHIE CHOISIE 

Romans

-          « Quinzinzinzili » [1935] REED. L’Arbre vengeur, Coll. L’alambic, 2007

-          « La Cité des asphyxiés » [1937] REED. LATTES, Coll. Science-fiction, 1972

-          « Valcrétin » [1973] ED. LATTES, Coll. Science-fiction, 1973 

Essais, articles 

-          « Le Detective Novel et l’influence de la pensée scientifique » [1929]

-          « Les Romans de l’homme-singe » - REED. EX NIHILO, 2007 

Ce recueil propose la réédition de cinq articles parus dans la revue des Primaires entre 1931 et 1938. Parmi ces textes figure une étude très intéressante [Les Romans de l’homme-singe] sur les liens entre la théorie de l’évolution, la recherche du missing link et une littérature qui s’en inspire et mêle la conjecture rationnelle aux ressorts de l’imaginaire. Elle offre un aperçu du travail rigoureux de recension et d’analyse entrepris par MESSAC sur ce sujet. Elle laisse aussi entrevoir le rôle théorique important qu’aurait pu jouer l’auteur dans la science-fiction française. L’ouvrage d’apparence très sobre est doté d’une préface et d’un index qui complètent utilement l’ouvrage. Cette réédition s’impose comme un incontournable pour qui souhaite creuser et approfondir sa connaissance historique du genre. 

Témoignages 

-          « Lettres de prison » - REED. EX NIHILO, 2007 

Cet ouvrage il rassemble l’ultime correspondance de l’auteur lors des son internement en 1943 à la prison de Saint-Lô et des témoignages et documents annexes sur le devenir supposé de Régis MESSAC jusqu’à sa disparition en Allemagne. Il s’agit donc d’un ouvrage qui s’attache essentiellement à l’homme mais on peut lui trouver également une valeur de témoignage historique sur les conditions de détention pendant la guerre. Là aussi, l’ouvrage est pourvu d’un index très utile et d’une bibliographie choisie. 

Autres

-          « Un château en Bohême » de Didier DAENINCKX - EDITIONS DENOEL, COLL. FOLIO, 1996

Didier DAENINCKX qui a l’habitude d’explorer les angles morts de l’Histoire, fait montre de sa connaissance de la science-fiction française et mentionne le nom de Régis MESSAC en citant un extrait de son roman « Quinzinzinzili » [page 92]

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