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  • : le blog yossarian
  • : Grand lecteur de romans noirs, de science-fiction et d'autres trucs bizarres qui me tombent sous la main
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29 avril 2013 1 29 /04 /avril /2013 18:38
     Bientôt chez les libraires, Kraken, le nouveau roman de China Miéville me rappelle ce précédent titre paru initialement au Diable vauvert. Un petit divertissement sans prétention, illustré bellement par l'auteur himself. Enjoy comme on dit chez nos voisins de la perfide Albion.
 
un-lun-dun-illustration-china-mieville.jpg
 
     Zanna et Deeba mènent une vie bien rangée, de celles que l’on souhaite à bon nombre d’adolescentes de la middle class, partagées entre une famille sans problème, des études studieuses et une bande de copines. Les deux amies sont inséparables jusqu’au jour où quelques faits anormaux perturbent leurs habitudes.
     Ça commence par un renard peu farouche et par une inscription, sous l’arche d’un pont, proclamant : « Zanna for ever ». Mauvaise blague ou signe annonciateur d’une révélation à venir ? Le duo n’a pas le temps de se poser la question car déjà les événements prennent une tournure plus inquiétante. Un étrange nuage aux propriétés incapacitantes provoque un accident et un parapluie usagé, apparemment vivant, vient se coller à la fenêtre de la chambre de Zanna pour l’espionner pendant la nuit.
     Spontanément, les deux copines entreprennent de suivre ce pépin hors norme, ce qui les conduit à franchir fortuitement le zarbe, le voile séparant Londres de Lombres, sa version alternative cachée.
 
un-lun-dun3.jpg
 
     Les amateurs de littérature bizarre, lorgnant à la fois sur la fantasy et le fantastique, connaissent sans doute China Miéville. Soyons fou, peut-être ont-ils poussé le vice jusqu’à le lire. Étoile montante de l’Imaginaire britannique, ayant à bien des égards donné de nombreux gages de son talent, auteur étiqueté New Weird, Miéville n’est plus à proprement parler un débutant. Il suffit de lire les trois romans composant l’univers de Bas-Lag (pour mémoire : Perdido Street Station, Les Scarifiés et Le Concile de fer) pour être définitivement convaincu de la cohérence de son œuvre, de son aptitude à créer des univers et par sa volonté de renouveler un genre (la fantasy) enfermé dans la routine.
     Avec ce titre destiné à la jeunesse, China Miéville élabore un cadre ne se cantonnant pas à la simple figuration. La cité de Lombres participe à l’histoire autant que Zanna et Deeba. La ville et ses habitants confèrent même une dimension supplémentaire au roman, pimentant les mésaventures des deux amies d’une bonne dose de fantasmagorie, dont on peut goûter l’ampleur grâce aux illustrations.
     Lombres est un peu la petite sœur de New Crobuzon. Une petite sœur plus enjouée, plus cool, recelant son comptant de merveilles, mais non dépourvue de zones d’ombre qui donnent matière à nourrir les frayeurs enfantines. On y trouve des quartiers entiers bâtis avec le mool, un matériau se composant de déchets, de rebuts, d’objets obsolètes qui ont « suinté » depuis Londres. On se promène dans les rues bordées de demeures, attendant parfois leurs résidents, aux architectures surréalistes que l’on croirait puisées dans les réserves d’un mont-de-piété. Et dans le ciel, où brille l’antisol, volent Marie-Jeanne (des mouches géantes) et bus à impériale à l’apparence surannée.
     À Lombres, il n’est pas rare de croiser des personnages insolites. Une galerie non-exhaustive d’individus décalés, contrefaits, grotesques, contre-nature : des pirates, des fantômes (dont tout le monde bien sûr se méfie), des tailleurs habillés avec des pages de livres, des scaphandriers, des parapluies – pardon, des barrapluies – vivants, des briques de lait affectueuses, des hommes avec une cage d’oiseau en guise de tête, des grimoires dotés de parole, des explorateurs de bibliothèque cyclopéenne… Tout ce joyeux bric-à-brac vit presque en bonne entente, dans une paix relative, ce qui n’empêche pas les conflits de voisinage et la méfiance mutuelle. En fait Lombres, c’est un peu Alice au pays de la récup’.
     Laborieuse au début, l’intrigue ne décolle définitivement qu’au bout d’une centaine de pages. Miéville reprend le motif classique de la quête initiatique, de l’affrontement manichéen, du Grand Méchant menaçant, mais en saupoudrant l’ensemble d’une bonne pincée d’exubérance, d’humour et d’inventivité pour une lecture tout à fait digeste. À vrai dire, on dévore les pages au point de ne plus vouloir lâcher le roman. L’auteur britannique n’abandonne pas complètement sa noirceur ni son propos à teneur politique. En digne héritier de Lewis Carroll, il leur confère juste ce qu’il faut de légèreté, de nonsense, par le biais de nombreuses trouvailles visuelles et langagières, les secondes lorgnant ouvertement du côté des mots-valises.Un-lun-dun2.jpg
 
     Roman foisonnant et picaresque, Lombres confirme le talent de créateur d’univers de China Miéville. Usant des ressorts éprouvés de la fantasy classique, tout en leur apportant une bonne dose de spontanéité, de générosité et d’enthousiasme juvénile, l’auteur imagine un conte pour adolescents du XXIe siècle. Parfait apéritif avant d’aborder ses livres plus adultes.

Lombres (Un Lun Dun, 2007) de China Miéville - Au Diable vauvert, octobre 2009 (disponible également en poche)

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commentaires

S
Un p'tit bouquin (assez gros tout de même !!!) bien sympa.<br /> Malgré un léger retard à l'allumage, on se laisse prendre à cette folie douce qui rappelle aussi Neverwhere de Gaiman. <br /> C'est frais, c'est enlevé, avec en plus une légère réflexion écologique sur le recyclage.<br /> Une petite sotie avant The city and the city.<br /> Et toujours la ville comme une invention permanente. Est-ce que <br /> sans le dire ouvertement, il afficherait des accointances &quot;fantaisistes&quot; avec ces contemporains psychogéographes ?
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