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  • : le blog yossarian
  • : Grand lecteur de romans noirs, de science-fiction et d'autres trucs bizarres qui me tombent sous la main
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20 juillet 2009 1 20 /07 /juillet /2009 11:18

     Initialement édité dans l’Hexagone au sein de l’excellente Série Noire, La baleine scandaleuse se distingue des autres œuvres inscrites au catalogue de la collection par son intrigue atypique et par l’emploi d’un élément de narration inhabituel dans le polar : un cétacé.

     La réédition maquettée façon Marc Dorcel, publicité en quatrième de couverture incluse, de la collection Carré Noir introduit un instant le doute dans les esprits. Il ne faut pourtant pas se laisser abuser par l’imagerie kitsch, genre stupre et émois adolescents, qui est associé à la traduction en français du titre. En effet, The Whale Story est un roman noir de la plus belle eau avec juste ce qu’il faut de folie douce pour le rendre indispensable. Jugez-en par vous-même.

     En Californie du sud, la marée montante drosse sur la plage une baleine grise égarée. Passablement fatiguée par plusieurs tentatives infructueuses pour regagner son élément naturel, l’encombrant mammifère marin finit pas s’endormir. Le jour est sur le point de se lever, l’action se tourne vers d’autres mammifères, encombrés par leurs problèmes personnels. Rapidement, John Trinian attire notre attention sur quelques uns parmi eux : un couple de jeunes héritiers friqués, dont les familles espèrent le mariage, un malfrat en cavale en attente d’un comparse, un flic à cheval raciste et immature qui se donne des faux airs de dur, le conducteur d’un tracteur-dépanneur, un acteur toxicomane sur le retour et sa jeune épouse, un photographe désargenté, spécialisé dans les clichés épicés accompagné par deux modèles peu vêtus…

     La baleine échouée devient ainsi le point focal de cet échantillon d’humanité tout ce qu’il y a de plus banal au milieu des années 1960.

 

     J’ai entamé la lecture de La baleine scandaleuse en suivant le conseil de Jean-Bernard Pouy (que des pétales de rose précèdent ses pas). Je renvoie les éventuels amateurs à sa source : Une brève histoire du roman noir.

     Bien m’en a pris car, sans être au même niveau de dinguerie que Le lézard lubrique de Melancoly Cove de Christopher Moore, roman dont le créateur du Poulpe souligne la filiation, La baleine scandaleuse se révèle une excellente étude de caractère avec juste ce qu’il faut d’humour vachard sur le genre humain. Alors peu importe si on ne décolle pas de ce bout de plage où gît la baleine endormie. On goûte sans retenue au sens de la formule d’un écrivain particulièrement inspiré et on s’amuse des tours et des détours qu’il fait prendre au cheminement intime de chacun des protagonistes de cette histoire.

     Bref, en voilà une belle réussite, à tout point de vue, que cette tragi-comédie insolite où le rôle principal est finalement dévolu à un personnage muet et non humain. Un personnage dont l’irruption inattendue vient bouleverser, en bien comme en mal, les projets d’une bande de macaques.

     Si le terme chef-d’œuvre n’était pas tant galvaudé à force d’être utilisé à tout bout de champ, j’aurais bien envie d’en user ici même.


































La baleine scandaleuse [The Whale Story, 1964] de John Trinian – Réédition Carré Noir/Gallimard (Edition originale Série noire/Gallimard, 1965 – Roman traduit de l’anglais [Etats-Unis] par Philippe Marnhac)

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19 avril 2009 7 19 /04 /avril /2009 15:11

Le téléphone sans fil sonne : « Gascogne ? fait une voix pas du tout familière. – Qui voulez-vous que ce soit ? Et vous qui êtes-vous ? – Peu importe. Rufus Raffa vient de prendre une balle entre les deux yeux. – Pas possible ? Et pourquoi me le dire à moi ? – Je croyais que vous étiez… » Là-dessus, il raccroche. La mort de Raffa, en être informé, c’est du kif, car personne n’ira se rincer le canal lacrymal à cette nouvelle. Surtout pas moi.

     Le Grossium ressemble à un roman noir. Il est écrit comme un roman noir, utilise les archétypes et les codes du roman noir, mais il en n'est pas un en fin de compte.
Le Grossium est un roman qui s'amuse du roman noir. Attention rien de parodique ni de subversif. Juste le plaisir de dérouler une histoire faite de bric et de broc, qui ferraille comme un tacot lancé à fond de train, et dans laquelle l'intrigue et le dénouement comptent bien moins que l'ambiance de douce dinguerie. Le Grossium, c'est pour les doux dingues aimant le roman noir.

 

Un sou par-ci, un sou par-là, y a pas de petits bénéfices, les petites sommes font les grossiums.

 

     Son auteur, Stanley Gottlieb Crawford, a bénéficié dans l’Hexagone du parrainage de Marcel Duhamel qui a lui-même traduit la chose. En effet, le « Boss » de la Série Noire s’était pris d’affection pour ce vilain petit canard, chantant ses louanges à qui voulait bien les entendre et surtout les lire (louanges reprises par Claude Mesplède). A ses yeux, le livre de Crawford dressait « Le portrait inquiétant de vérité, même dans ses outrances, d’un de ces caïds d’affaires, gros brasseur de courants d’air, maniaque du volant, obsédé de dollars, de puissance et bâtisseur d’empires en mou de veau qui finit par s’emmêler les pieds dans ses propres combines et par tomber en quenouilles. » 

     A vrai dire, les propos de Marcel Duhamel résument assez fidèlement l’intrigue inracontable du roman.

     Directement publié dans l’incontournable collection Série Noire chez Gallimard, il faut reconnaître que le roman y déparait quelque peu à l’époque. La simple énumération de quelques unes de ses composantes permet de se rendre compte du carnage. Nous avons donc un gros bonnet qui sillonne dans un tacot bringuebalant, le pied au plancher, une ville imaginaire. Un tueur habillé avec une tenue d’ours des cocotiers. Un jardin qui se transforme en jungle inextricable. Une base ultra-secrète dans laquelle des savants frappadingues imaginent les futures armes qui permettront de vaincre l’ennemi : le Rouge. Un trafic de souris miniatures que l’on tient confinées dans un bocal afin d’éviter qu’elles ne se répandent dans le monde comme la vérole sur le bas clergé. Des hommes de main patibulaires mais qui restent polis. Des femmes pas si fatales que cela. Des stations essence Big Papa à tous les coins de rue et d’autoroutes. Et en guise de conclusion, une bataille rangée entre deux gangs,  à tous les étages et jusque dans l’ascenseur, dans l’immeuble de la radio. Avouons qu’il y a matière à défriser l’amateur le plus orthodoxe de roman noir.

     Heureusement pour le lectorat plus jeune, accoutumé aux histoires déjantées, le roman de Crawford s’impose comme une évidence. Avec ses expressions imagées et son argot (un peu daté), ses situations bizarres, ses personnages grotesques, Le Grossium trouve tout naturellement sa place au sein du corpus des bouquins inclassables.
 

     J’allais oublier. Ceci est la seule incursion de Stanley G. Crawford dans le roman noir. Un auteur qui a fait montre de sa fantaisie dans d’autres romans, parus chez Buchet-Chastel.

     Avis aux amateurs.























Le Grossium de Stanley G. Crawford (
« Gascoyne », 1966) - EDITIONS GALLIMARD, Série noire, 1969 - Roman inédit traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marcel Duhamel

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28 juin 2008 6 28 /06 /juin /2008 18:03

     Retour aux affaires avec un roman policier. La quatrième de couverture nous annonce que « La bouffe est chouette à Fatchakulla » est le seul roman – à ce que l’on sait – écrit par Ned Crabb. Il ne fait aucun doute que l’écrivain états-unien peut figurer dans les annales des littératures policières – il bénéficie déjà d’un article dans le Mesplède – parmi les auteurs gentiment déjantés qui manifestent une propension à manier l’humour noir.

    
A Fatchakulla, bled paumé et envasé de Floride, une série de crimes abominables a été commise. Progressivement, la paranoïa contamine les esprits au point où plus personne n’ose sortir de chez soi, une fois la nuit tombée. Pourtant, rien en particulier ne prédestinait le patelin à devenir une succursale de Whitechapel ou du Gévaudan. Huit cent âmes environ au compteur, alligators et chats compris. Un joyeux échantillonnage de ploucs consanguins alcoolisés qui s’enorgueillissent d’élever des chats exceptionnels.

     Mais voilà qu’on trucide, qu’on démembre, qu’on éviscère à Fatchakulla. Le représentant local de la loi, Arlie Beemis, reprendrait bien une bière, histoire de faire passer le mauvais goût qu’il a en bouche, devant le spectacle offert par les victimes : des bouts de corps déchiquetés ou mâchés. Ce qui l’angoisse, c’est bien que ces meurtres sanglants semblent donner corps aux légendes – foutaises – locales : Willie le siffleur et les autres entités malignes issues de la vase méphitique des marécages qui cernent la bourgade.  Et ce n’est pas Doc Bobo qui le contredira, lui qui songe désormais à déserter le comté pour un lieu plus paisible.

     Fort heureusement, Fatchakulla compte parmi ses concitoyens un limier redoutable, champion incontesté de la chasse au raton laveur. Un génie, comparé au reste de la communauté, qui à force d’observation et de déduction a su résoudre la dernière affaire épineuse du comté : la disparition, il y a cinq ans, du chihuahua de Miss Tatum. Il ne fait aucun doute que pour Lindwood Spivey, trouver l’auteur des crimes ne sera qu’un bête problème de logique. Et en moins de temps qu’il n’en faut à un chat pour régurgiter sa pelote de poils. Car tout le monde en convient à Fatchakulla : Linwood se débrouille ; Lindwood sait tirer les choses au clair !

    
L’intrigue de « La bouffe est chouette à Fatchakulla » ne casse pas trois pattes à un canard et les ficelles qui animent le récit sont grossières. A vrai dire, il semble rapidement évident que le suspense est le moindre des soucis de Ned Crabb puisque l’on devine d’entrée qui est responsable du massacre. Cette impression est confirmée par les pistes, larges et éclairées comme des autoroutes, qui jalonnent l’enquête d’un trio d’enquêteurs plus préoccupés par les bières qu’ils consomment que par la recherche d’indices. Quant aux rebondissements, ils confinent au foutage de gueule, foutage totalement assumé par un auteur qui aligne surtout les portraits des ploucs qui vivent à Fatchakulla et qui délire ouvertement de leurs mésaventures. Par contre, ce qui est le vrai foutage de gueule, c’est l’étiquette thriller (jaune canari) ajoutée sur la réédition… Je doute que les aficionados de Maxim Chattam, Harlan Coben et Dan Brown (pour ne citer de mémoire que ces trois faiseurs) goûtent à la plaisanterie. Mais en même temps, cela ne peut pas leur faire de mal de lire autre chose…

    
Pour revenir au roman de Ned Crabb, on s’amuse énormément de la truculence des personnages et de la gouaille des dialogues, même si tout cela n’est pas à tomber par terre. On est, en effet, un cran en-dessous de la dinguerie qui présidait au roman de Christopher Moore : « Le lézard lubrique de Melancoly Cove ». On est à mille lieues du mélange de roublardise et de burlesque rural qui baignait « Fantasia chez les ploucs » de Charles Williams. Et puis, autre bémol : la qualité de la traduction. Celle-ci pêche sérieusement aux entournures et j’ai tiqué, par exemple, à la traduction littérale du prénom Lem par Module lunaire… Un mauvais tour que n’avait sans doute pas prémédité Ned Crabb.























« La bouffe est chouette à Fatchakulla » [« Ralph or what’s eating the Folks in Fatchakulla County », 1978] – Ned CRABB – Editions Gallimard, collection Folio policier, mai 2008 [réédition traduit de l’américain par Sophie Mayoux]

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