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  • : le blog yossarian
  • : Grand lecteur de romans noirs, de science-fiction et d'autres trucs bizarres qui me tombent sous la main
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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 09:48

     Après la démission du pape Benoît XVI et la mort de Stéphane Hessel, c'est avec tristesse que nous avons appris le décès de la collection Ailleurs & Demain.

     La collection SF de référence, créée en 1969 par Gérard Klein, tire sa révérence laissant orphelins les fans inconditionnels du genre, rejoignant ainsi le mausolée de la SF.

     Ils se consoleront avec le prochain titre à paraître, dégustant du Susan Calvin, matin, midi et soir, en dose homéopathique et même en suppositoire.

 

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8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 14:33

     Chasser les chimères peut s'avérer une tâche gratifiante, du moins si l'on en juge la sélection proposée par Serge Lehman. Sous une illustration de Gustav Klimt représentant Hygie, déesse de la Guérison, l'anthologiste entend réparer un oubli, restituant à la science-fiction française son âge d’or.

     Si l’intention semble louable, elle s'apparente surtout à un travail de forçat ou de bibliomane, aimant fouiller dans les rayonnages poussiéreux des bouquinistes et archivistes. Au regard du résultat, il faut reconnaître que l'effort en valait la peine.     

     Chroniquer une anthologie n’est pas tâche aisée. Doit-on rendre compte du travail de l’anthologiste, en jugeant de l’adéquation des textes sélectionnés avec la démarche, ou se contenter de résumer et commenter chaque texte à l’aune de ses impressions personnelles ? La première voie s’impose naturellement ici, tant l’échantillonnage des textes illustre idéalement le propos de la préface de Serge Lehman. 

 

     Florilège raisonné de textes issus d'un âge d’or de la science-fiction francophone Chasseurs de Chimères exhume un pan entier de notre culture littéraire. Un pan ayant basculé, à l'exception de Jules Verne, Rosny Aîné et Barjavel dans un angle mort. Qui se souvient de Maurice Renard, d' Octave Béliard, de Jean de La Hire, de Michel Epuy, de Jean d'Esme, de Claude David et de bien d’autres... ? Pas grand monde, convenons en. Et pourtant, il fut une époque où ces auteurs étaient le fer de lance de la science-fiction... pardon du merveilleux-scientifique comme l’a délimité et définit en 1909 Maurice Renard. Ce sont ces « Hypermondes perdus » que nous restitue rapidement - en préface - un Serge Lehman résolu à renouer le fil d’une continuité historique rompue.

 

     Au premier rang des éléments de cette redécouverte figure l’indispensable essai de théorisation de Maurice Renard sur le merveilleux-scientifique. Indispensable puisqu’il démontre que ce courant, dont les composantes et thématiques s’inspirent de Herbert Georges Wells, correspond, à quelques mots près, à la définition classique de la science-fiction établie par Hugo Gernsback en 1926.

     Eh oui, vous me lisez bien, l’antériorité de la définition du champ littéraire de la science-fiction reviendrait ainsi à un Français. De quoi, nuancer un grand nombre de ces idées reçues abondant sur ce sujet. De quoi également nourrir de longues discussions...

 

     Un mot maintenant des textes choisis. Si on relativise leur style désuet (ce n’est pas très difficile, il faut juste se remettre en mémoire des œuvres anglo-saxonnes écrites à la même époque), la sélection proposée dans cette anthologie donne une image de la SFF loin d’être ridicule. Sans faire preuve d’un esprit cocardier malvenu, on reste interloqué devant les qualités littéraires et l’imagination de la plupart de ces récits.

     Personnellement, j’affiche un coup de cœur pour trois titres. D’abord, je reste marqué par Les Xipéhuz, où l’auteur nous décrit l’impossibilité à communiquer de deux races (règnes ?) et l’affrontement qui en découle. Mine de rien, cette nouvelle de Rosny Aîné,parue en 1887, impressionne.

     Ensuite vient, Le Péril bleu, un roman tout à fait surprenant de Maurice Renard, édité en 1912. L’auteur y ouvre les vannes au vertige de l’imagination et fournit par la même occasion une illustration parfaite de ce courant merveilleux-scientifique qu’il a contribué à définir.

     Enfin pour clore cette série de coups de cœur, je souhaite dire un mot du magnifique texte de André Maurois où sont convoqués une merveille scientifique (l’immortalité de l’âme), l’amour et l’amitié. Du concentré d'émotion.

 

     On pourrait s'interroger sur l'échec d'un courant aussiproductif (près de trois mille textes écrits entre 1874 et 1950 recensés par l’anthologiste). Sur son oubli faisant passer la science-fiction comme un nouveau genre littéraire dans l'Hexagone durant les années 1950.

     Sur ce point, Serge Lehmans’en tient à quelques hypothèses. Il relève d’abord l’inexistence de ces supports à bon marché, les pulpspour les nommer, qui aux États-Unis ont généré un fandom, vivier des talents à venir. Il remarque également la timidité des auteurs français qui ne déploient pas ou peu leur imagination dans d’autres territoires, comprendre ici l'espace, et refusent notamment de se projeter dans l’avenir lointain.

     L’exclusion de Jules Verne du courant merveilleux-scientifique par Maurice Renard lui-même semble pour Serge Lehman symptomatique de ce complexe. Finalement la SFF ne semble pas s’être affranchie du paradigme Wellsien, ce qui l’a poussée à rater sa mutation, transformation opérée et réussie par les Anglo-saxons.

      À sa manière, l’œuvre d’archéologie littéraire entamée par Serge Lehman avec Chasseurs de chimères participe utilement à la redécouverte de l’Histoire de la science-fiction francophone. L'anthologiste livre ici à un public plus large une connaissance jusqu’à présent limitée à un cercle d’érudits pointilleux.
      L’occasion est belle pour en profiter car, croyez moi sur parole, cet âge d’or de la SFF recèle, de surcroît, quelques précieux joyaux à admirer.



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Chasseurs de chimères, anthologie présentée par Serge Lehman- OMNIBUS/SF, Septembre 2006

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 18:11

     Un peu par curiosité, mais surtout par désœuvrement, j'ai entamé la lecture des trois premiers romans de la série « Cal de Ter » de Paul-Jean Hérault. De la SF aventureuse et populaire comme en publiait jadis la collection « Anticipation » des éditions Fleuve noir, et comme j'ai pu en lire pendant mes jeunes années.

 

<3615 mylife>

     Je dois confesser avoir beaucoup lu ce genre de livre à une certaine époque, repérant ceux-ci chez un bouquiniste de la rue Froide à Caen. Pendant un temps, je me suis même enquillé une proportion non négligeable des volumes de « La Compagnie des glaces » de Georges-Jean Arnaud. Faut croire que j'ai vraiment vieilli...

      Dans ma mémoire, ces romans assez courts me procuraient de la distraction, entre deux ouvrages plus consistants qu'il me fallait ingurgiter pour satisfaire à mon cursus universitaire. Je n'en garde pas un mauvais souvenir, mais il y a des choses que l'on devrait éviter de refaire...

<3615 mylife>

 

Rescapé1      Je ne peux pas dire avoir perdu beaucoup de temps avec ces trois romans. Leur lecture m'a pris en gros trois heures. L'histoire de Cal, dernier terrien perdu dans l'espace après la destruction de sa planète natale, supporte d'ailleurs très bien de sauter les pages. Aucune déperdition d'information à craindre, l'intrigue ayant, en règle générale, l'épaisseur d'une feuille de tabac à rouler.

      Mais je ne peux m'empêcher de trouver le fait de rééditer ce genre de truc, un peu abusé...

      Certes, l'auteur jouit d'un capital de sympathie dans le fandom francophone, si l'on en juge le prix Cyrano qu'il a reçu en 2005 pour l'ensemble de son œuvre. Pourtant, les trois premiers volumes de la série « Cal de Ter » démontrent autant de panache qu'une bière éventée sans faux-col.

      Pour le coup, j'ai surtout eu l'impression que Laurent Genefort, qui dirige la réédition de cette série chez Milady, nous proposait un de ses plaisirs régressifs.

     Personnellement, j'ai trouvé ça médiocre de bout en bout, pour ne pas dire autre chose de plus désagréable.


     Je m'explique : à lire « Cal de Ter », on a le sentiment que le seul souci de Paul-Jean Hérault est de reproduire tous les poncifs les plus éculés de la SF populaire. Entre technologie, aussi fumeuse qu'une Gitane sans filtre, et accumulation de stéréotypes, il nous gâte particulièrement. À tout ceci s'ajoute une idéologie néo hippie, oscillant paradoxalement entre utopie tranquille à base de football et de rugby, et mythe du surhomme. J'en suis resté baba... 

 

Les batisseurs du monde      Quid de l'intrigue ?

      Est-il bien nécessaire de l'infliger aux lecteurs de ce blog ? (Je devine comme une impatience déviante...)

      Baste ! Faisons taire le suspense.

      Cal est un logicien (merci papy van Vogt). Doté d'un Q.I. honnête mais instable, il demeure un être à part parmi les siens. Au cours d'un séjour en clinique (rien de grave, une banale opération de chirurgie esthétique), il est enlevé par son meilleur ami. Profitant de son anesthésie, le bougre l'expédie dans une capsule vers une destination inconnue. Lorsqu'il émerge de son hibernation, Cal découvre que la Terre et Mars se sont détruites mutuellement. Pas le temps de se lamenter, sa capsule va atterrir sur une planète bleue avant de s'autodétruire.

      Dernier Terrien de l'univers, Cal se voit déjà jouer au Robinson Crusoé sur ce monde étranger. Pas de chance, celui-ci est habité par des êtres simples et pacifiques. Le voilà propulsé au rang de pygmalion de ce peuple, en position de donner un petit coup de pouce à l'évolution. Car Cal a le projet de créer une civilisation meilleure que celle de la Terre. Et pour lui donner un coup de main, il peut compter sur les ressources illimitées de la dernière station cachée des Loys, une race extra-terrestre disparue...

 

      On s'en tiendra là pour l'histoire, de crainte d'en révéler tous les ressorts (ils ne sont pas bien complexes).

      On le constate rapidement, au propos un tantinet condescendant et entaché du fardeau de l'homme blanc, s'ajoute une intrigue simpliste brassant les mêmes recettes dans chacun des trois romans. On peut d'ailleurs résumer celles-ci de la façon suivante : Cal se réveille de son hibernation, il découvre le monde qui l'entoure, un danger survient, de nature belliqueuse, religieuse ou cosmique, il le surmonte avant de reprendre son somme pour quelques centaines d'années supplémentaires. En véritable Hari Seldon couillu, il corrige ainsi à plusieurs reprises l'évolution de SA planète, mise à mal par les aléas de l'Histoire.

La-planete-folle.jpg      Soyons honnête, même si le procédé ne m'a pas rebuté, après tout de nombreux auteurs populaires utilisent le même, cela ne marche absolument pas ici.

      La narration est dépourvue de toute tension dramatique. Les méchants brillent surtout par leur nullité et les rebondissements sont au mieux téléphonés, au pire télégraphiés.  

   Hérault se contente d'énoncer des faits, alternant mécaniquement des chapitres à la première et à la troisième personne du singulier, sans exploiter littérairement le changement de point de vue. Enfin, les actions de Cal sont aussi crédibles que les promesses de François Hollande. Mais en même temps qu'attendre d'autre d'un personnage ayant la psychologie d'une huître ?

 

      Au final, « Cal de Ter » s'avère une série besogneuse, dépourvue de tout souffle épique, où l'absence d'imagination se conjugue à un propos réactionnaire. Dire que l'on a tué des castors pour rééditer ce machin !

     Personnellement, ce sera no more Hérault pour moi à l'avenir...

 

 

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« Cal de Ter » de Paul-Jean Hérault – Label Milady (réédition des trois romans : Le Rescapé de la Terre [1975], Les Bâtisseurs du monde [1976] et La Planète folle [1977])

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 15:56

     Alors que le réveillon de la Saint Sylvestre commence à pointer le bout de sa truffe (au chocolat), Yossarian va achever 2012 avec une vieillerie... Je veux dire un classique de la SF américaine. Du genre auquel on ne touche pas, tant la poussière noble déposée par les ans impressionne et fait miroiter les yeux (j'ai les métaphores que je veux). Bref, une antiquité.

 

      L'objet de cet article : « Ceux de la Légion ». Un omnibus publié par Le Bélial' dont le sommaire propose trois romans* de Jack Williamson, auteur de l'âge d'or de la SF américaine, en gros les années 1920-1930. Un condensé de sense of wonder et d'aventures, mais avec des boulons. Tout ceci ne nous rajeunit pas...

      Préfacé par Roland C. Wagner, l'objet ne manque cependant pas de charme. Un charme suranné demandant beaucoup d'indulgence de nos jours, tant la naïveté du propos et le caractère abracadabrant des mésaventures des héros, et ce malgré une tentative (cosmétique) de rationalisation scientifique comme le souligne le préfacier, empapaoutent mon légionnaire...

     Mais tout est question de contexte, alors replaçons l'ouvrage dans son époque, c'est-à-dire les années 1930.

 

      Fils de fermiers, puis d'éleveurs au Nouveau-Mexique, Jack Williamson découvre la SF via le pulp Amazing Stories. À cette époque, où on ne s'embarrasse guère de plausibilité scientifique, les récits publiés par ce magazine sont surtout des voyages semés d'embûches dans l'espace ou le temps.

     Convaincu qu'il souhaite écrire ce type d'histoire, Williamson publie son premier texte en 1928. Et comme bon nombre de ses contemporains, il se spécialise dans le Space opera où il témoigne de cet esprit imaginatif et optimiste, un brin boy scout, faisant toute la différence entre le Nouveau Monde et l'Ancien. Quand on pense qu'à la même époque œuvrent Régis Messac, Jacques Spitz et Karel Capek, on se dit qu'il n'y a pas que l'Atlantique qui sépare les Européens des Américains.

      Les livres réédités au Bélial' appartiennent à une des séries les plus connues de l'auteur, celle de « La Légion de l'espace », se composant de trois romans parus entre 1934 et 1939 dans la revue Astounding Stories, puis Astounding Science-Fiction, auquel est venu s'ajouter un quatrième titre écrit sur le tard en 1983. Poliment, on se contentera de dire que la série illustre l'esprit de la SF d'une certaine époque...

 

« Grand, mince et droit, sanglé dans l’uniforme vert de la Légion, il avait l’inébranlable fermeté d’une statue de bronze. »


     La Légion aurait-elle mal vieillie ?

     Sans aucun doute. À l’instar de « Doc » E.E. Smith ou d’Edmond Hamilton, Jack Williamson demeure pour la postérité un des piliers du space op’ à grand-papa. Galaxie immense et mystérieuse recelant une foultitude de dangers, intrigue vieillotte et simpliste, en toute circonstance, le doigt sur la couture du pantalon, les légionnaires veillent. Que ce soit contre les visqueuses méduses, les fourbes cométaires ou le diabolique basilic, la Terre peut compter sur ses héros pour la défendre, surtout s'ils entrevoient, de surcroît, la possibilité de sauver une belle fille.

     Les traîtres abondent et les espaces cosmiques sont parcourus d’une vibration de géodyne. On affronte à mains nues, ou armé d'un lance-protons, félons, ennemis implacables et créatures cauchemardesques. La situation est grave, désespérée, mais il n’y a rien qu’un légionnaire ne puisse résoudre avec un peu d’huile de coude. Et AKKA, l’arme redoutable qui efface tout, peut être utilisée en ultime recours. Nous sommes en territoire connu. Passez par la case Starwars...


     Dans la Légion, les personnages seraient-ils archétypaux ?

     Oui, mais ils restent fréquentables. Comme le fait remarquer Roland C. Wagner, il y a quelque chose des trois mousquetaires dans « Ceux de la Légion ». Cette Légion est d’ailleurs très vite réductible à trois légionnaires. Un trio auquel se joint un jeune premier différent dans chaque histoire, avec sa princesse interchangeable.

     La spécificité de Williamson se manifeste plutôt dans les rôles respectifs donnés à chacun de ses héros. À côté des personnages basiques, celui qui monopolise peu à peu l’attention, c’est ce vieux briscard de Giles Habibula. Il humanise en quelque sorte les aventures des légionnaires, leur apportant une touche d’humour, hélas rapidement pesante.

 

     Au final, il ne faut pas prendre cet omnibus pour ce qu’il n’est pas, mais bien pour ce qu’il demeure au regard de l’Histoire de la SF : une distraction datée ne voyant pas plus loin que le bout de son lance-protons.

     Si « Ceux de la Légion » ne dément pas sa réputation de classique, il faut sans doute tout le recul critique d'un spécialiste pour en apprécier les apports à l'Histoire du genre.

 

 

Notes :

 

* « Ceux de la Légion » rassemble La Légion de l’espace [Legion of Space, 1934], Les Cométaires [The Cometeers, 1936] et Seul contre la Légion [One against the Legion, 1939]

« Ceux de la Légion » de Jack Williamson – Édition du Bélial, 2004 (rééditions disponibles en trois romans chez Folio SF)

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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 17:21

 

     Sans doute est-ce mon côté pessimiste qui resurgit, mais j'aime lire des romans catastrophes. Les fins du monde m'enchantent, me faisant dresser le poil sur le dos des mains, et pour tout dire m'amusent. Un plaisir coupable contrebalancé par des récits post-apocalyptiques, histoire de voir comment les survivants retombent rapidement dans leurs pires travers, cause des malheurs de leurs prédécesseurs. Décidément, je ne suis pas sortable...

 

     À l'instar de leurs cousins anglo-saxons, les francophones n'ont pas à rougir de leurs recommencements. Une bibliographie abondante est là pour en témoigner. L'autoroute sauvage de Julia Verlanger (pas encore lu), Blue de Joël Houssin, Malevil de Robert Merle, La Forêt d'Iscambe de Christian Charrière (un roman méconnu à lire absolument), Spinoza encule Hegel du bien aimé Jean-Bernard Pouy, Le Monde enfin de Jean-Pierre Andrevon et j'en oublie sans doute, faisant notamment l'impasse sur la bande-dessinée.

On le voit, la veine post-apocalyptique est riche de promesses, de mondes retournés à la jachère où les survivants de l'humanité s'échinent à rebâtir une civilisation viable.

     Un mot maintenant de ma dernière trouvaille : L'Ombre dans la vallée de Jean-Louis Le May, rééditée par Les Moutons électriques, un roman post-apo méridional qui fleure bon la sauge, le thym et la chair carbonisée.

 

     Un paysage de fin du monde conquis par une nature exubérante. Des collines colonisées par le maquis, une végétation inextricable de cactus, d'aloès, de chênes verts et d'autres essences méditerranéennes. Des myriades de papillons, de mouches, de taons qui sucent, piquent et harcèlent sans répit les rares voyageurs. Peu de mammifères et plus du tout d'oiseaux. Ne reste guère que quelques mulets, des chèvres tenaces et les survivants d'une humanité retournée à un état de sauvagerie, accrochée aux ruines de leurs villes, au bord d'une mer empoisonnée.

     Triste tropisme.

     La Puta Chavanassa a balayé la civilisation des consoms, ne laissant derrière elle que des vestiges. La Cité, champ de décombres en proie à la guérilla. La Citadelle, refuge inexpugnable de l'Ordre. Une route, long ruban de goudron gris, trait d'union entre la Cité et les communautés rurales du Pays Haut. Et un viaduc dressant son arc un tantinet délabré entre les deux versants de la vallée.

     Entre la Cité et le Pays Haut s'étend le maquis, territoire où les clans de barounaires ont pris l'habitude de se défier. Mobs couchés sur leurs biclos vrombissants, Drags aux mœurs barbares, Véloces aux cuisses tannées par le soleil et Caisses sans cesse en quête de carbur.

     Sous le regard des Réguliers de l'Ordre et de Barba Ammoun, une jeunesse sauvage s'épuise en de vaines joutes, à la recherche du frisson de la mort et de chair humaine à maltraiter ou à manger. Si les Réguliers ne craignent pas les barounaires, ils se méfient davantage de Barba Ammoun dont l'expérience et la ruse ont contribué à forger la réputation. Une réputation s'étendant sur sa compagne et sur ses enfants Angélique et Pascaou, les yeux et les oreilles du vieux en quelque sorte. Une expérience qui se paie au prix fort. Et malheur à celui qui cherche à truander ou à faire du tort au Barba. Il a tôt fait de finir sous les crocs de ses molosses ou fusillé par le vieux lui-même.

 

     Attachons-nous d'abord aux faits. Cette réédition Des Moutons électriques se compose de deux courts romans qui se suivent chronologiquement. Pour information, L'Ombre dans la vallée et Le Viaduc perdu s'inséraient à l'origine dans un ensemble plus vaste de six volumes appelé « Chroniques des temps à venir ». Une sorte d'histoire du futur où l'auteur ne se montre guère enclin à l'optimisme.

     Soyons maintenant subjectif. Même si j'ai apprécié l'atmosphère du roman, empreinte d'une certaine poésie et d'un lyrisme à la Giono, même si le mélange de paillardise, de violence et de gouaille déployé par Le May fonctionne très bien, je n'ai pu m'empêcher de trouver le temps long. Une impression de délayage, certes pas désagréable, mais qui finit par assoupir un tantinet. Fort heureusement, l'ensemble se lit rapidement compte tenu de la longueur (environ 250 pages pour les deux romans). Mais en même temps, je ne suis pas certain que ceci constitue une qualité...

 

     Bref, je ne recommande pas vraiment cet ouvrage. Pas sûr qu'il s'agisse d'un indispensable, à moins évidemment d'aimer les fins du monde et les éternels recommencements.

 

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L'Ombre dans la vallée de Jean-Louis Le May – Editions Les Moutons électriques, janvier 2012 (réédition se composant des romans « L'Ombre dans la vallée » et « Le Viaduc perdu »)

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29 décembre 2011 4 29 /12 /décembre /2011 18:19

 

     Verfébro, deuxième satellite de Vélag-B. Ce monde des confins n'attire pas vraiment le visiteur, surtout depuis que la multimondiale à qui il appartient l'a soumis à une restriction technologique. Une population partagée entre clans primitivistes et employés de la compagnie, coincée entre l'unique plateau défriché et les lisières de la forêt monde. Une colonie en butte au harcèlement incessant des indépendantistes, à l'inexorable pression de la forêt, de sa faune et de sa flore mortelles, voilà pour compléter le tableau. Finalement, seuls le Drac et le soma, substance tirée de son sang censée conférer l'immortalité, suscitent un maigre intérêt pour Verfébro. Juste une légende aux yeux des cadres de la compagnie. Un objet de culte pour les primitivistes. De toute façon, ils ne sont guère nombreux ceux qui peuvent se vanter d'avoir approché la créature.

     Pourtant, quatre voyageurs d'outre-monde débarquent, prêts à braver les dangers de la Maréselva. Ils cherchent un guide et cachent dans leurs bagages beaucoup de secrets...

 

     Pourquoi est-ce que j'aime la science-fiction ?

     À cette question, je ne saurais mieux répondre que Ursula Le Guin.

 

« J'aime la plupart des genres littéraires, généralement pour les mêmes qualités, dont aucune n'est particulière à un genre. J'aime en science-fiction les vertus suivantes : la vitalité, l'ampleur et la précision de l'imagination, l'aspect ludique, la richesse et la puissance de la métaphore, la liberté par rapport aux attentes et aux maniérismes littéraires conventionnels, la sincérité morale, l'esprit, le punch, et enfin, la beauté (intellectuelle, esthétique et humaine). »

 

     Tout est dit à l'exception d'une donnée intime : l'âge.

 

(Parenthèse 3615mylife)

     En effet, la science-fiction figurent parmi mes premiers émois. Lorsque j'en lis, je me replonge aussitôt dans mes jeunes années, celles où les poils ne défloraient pas encore mon menton. Et ceci confère au genre une qualité essentielle à mes yeux : ressusciter l'émerveillement de ma jeunesse.

(Fin de parenthèse 3615mylife)

 

     Retour à mes amours de jeunesse donc, avec Le Sang des Immortels, titre jadis paru dans la mythique collection Anticipation du Fleuve noir.

     Autant le dire tout de suite, ce court roman de Laurent Genefort ne brille pas par son originalité. Au-delà du motif de la quête, opportunément rappelé par la quatrième de couverture, l'intrigue reste très plan-plan. Une course-poursuite à travers les paysages hostiles d'un monde forêt, des rebondissements téléphonés et des caractères stéréotypés, on ne baigne pas dans la complexité, bien au contraire, ce serait plutôt dans l'alimentaire.

     Cependant en dépit de toutes ces faiblesses, ce n'est pas sur ce point que j'attendais Laurent Genefort, auteur autrement plus connu pour sa thèse sur les livres-univers. Je le guettais plutôt pour ces fameuses vertus mentionnées plus haut par Ursula Le Guin.

     Vitalité, ampleur et précision de l'imagination ; l'auteur français nous gâte d'entrée de jeu avec son monde forestier. Verfébro s'avère doté d'un fort potentiel : une écologie fascinante furieusement immersive et crédible ; un arrière-plan géopolitique apparemment assez fouillé, même si on ne fait que le deviner ici. Parmi les trouvailles de Genefort, c'est incontestablement la Maréselva, cette forêt ne faisant qu'un avec l'océan, comme une sorte de mangrove planétaire, qui marque l'esprit.

     Question esprit ludique, Laurent Genefort démontre de réelles qualités de conteur. Le Sang des Immortels est fun sans aucune autre prétention que celle de distraire. Par contre, pour la richesse et la puissance de la métaphore, pour la beauté (intellectuelle, esthétique et humaine), on repassera. L'histoire est juste du niveau d'un proto-Avatar ou d'un sous-Le nom du Monde est forêt.

 

     Bref, c'est un peu déçu que je ressors de cette lecture, ou du moins avec le sentiment de ne pas en avoir eu complètement pour mon argent. Et c'est maintenant avec d'autant plus d'impatience que j'attends la réédition du cycle d'Omale, l'opus majeur de Laurent Genefort, dont la parution est annoncée pour 2012.

 

ps : Chapeau bas à l'illustration de couverture qui réussit à faire jeu égal avec celle de l'édition Fleuve noir en matière de laideur...

 

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Le Sang des Immortels de Laurent Genefort – Editions Critic Science-Fiction, septembre 2011

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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 17:41

    C. S. Lewis est l’auteur de Le Monde de Narnia, comme le bandeau aguicheur apposé sur la couverture de cette trilogie ne se prive pas de nous le rappeler. Cependant, à la différence de son collègue et non moins estimé ami J. R. R. Tolkien, Lewis ne s’est pas uniquement cantonné à la fantasy. Il s’est aventuré aussi dans le domaine de la science-fiction avec une œuvre plus ancienne dont le style, très suranné, et les intentions n’ont strictement rien de commun avec les pulps états-uniens de la même époque. A vrai dire, la science-fiction de Lewis ressemble davantage à l’œuvre de H. G. Wells. Le prophétisme socialiste y cède juste la place à une foi chrétienne ardente et C. S. Lewis y détourne respectueusement quelques uns des thèmes de son aîné. Certes, ce ne sont pas aux bûchers de l’Inquisition que C. S. Lewis voue les mécréants. Toutefois, il est indéniable que la vision cosmique de l’écrivain britannique emprunte énormément au christianisme et à ses propres convictions religieuses sur ce sujet.

     Même s’ils sont présentés comme un ensemble, les trois volets de la trilogie peuvent se lire de manière indépendante. On peut même allègrement se passer d’en lire un. Au-delà de la planète silencieuse est sans doute le titre le plus wellsien de la série dans son propos et son atmosphère. On peut résumer l’argument de départ de la façon suivante. Au cours d’une randonnée dans la campagne anglaise, le professeur Ransom, un philologue bon teint, fervent croyant, célibataire et sans famille, fait une mauvaise rencontre. Il est enlevé par deux personnages malveillants : le scientifique mégalomane Weston et son acolyte vénal Devine. Transporté sur la planète Malacandra (Mars), Ransom échappe à ses ravisseurs dès son arrivée. Pendant son périple en terre étrangère, le fugitif fait la connaissance des trois espèces qui peuplent la planète et il rencontre la puissance supérieure qui préside au devenir de la planète. Dans ce court roman, C. S. Lewis déploie un sense of wonder digne des meilleurs romans de H. G. Wells. On pense en particulier à Les Premiers Hommes dans la Lune. Mais comme nous l’avons déjà dit, il subvertit également les thèmes de son prédécesseur. Ainsi, l’espace n’est pas vide mais peuplé par des êtres supérieurs et lumineux : les eldila. De même, les créatures extra-terrestres sont paisibles et généreuses au lieu d’être hostiles. On le devine à la lecture de ces quelques lignes, Lewis ne s’en tient pas à un simple récit d’aventures. Il imprime à son roman une dimension métaphysique et il lorgne vers la cosmogonie, n’hésitant pas à agréger au substrat éminemment science-fictif du récit des éléments de la mythologie classique et de la culture chrétienne. En effet, comment ne pas voir dans les eldila qui résident dans l’espace et dispensent leur savoir aux espèces peuplant les planètes, des anges. Comment ne pas reconnaître dans la rébellion de l’eldil « tordu » et dans sa réclusion pour l’éternité, le motif chrétien de la déchéance de Lucifer. Pour les hommes, en conséquence condamnés à vivre sur la planète devenue silencieuse, demeure pourtant l’espoir d’une rédemption, à condition d’avoir la foi et d’écarter la tentation de se faire dieu…

     Ce message très chrétien, dont on retrouve par ailleurs quelques traces dans l’œuvre de J.R.R. Tolkien, se renforce davantage avec le deuxième volet de la trilogie. Les références au christianisme ne sont même plus en filigrane. On y retrouve Ransom, à qui l’eldil Oyarsa a confié la mission de combattre Weston, possédé par le « tordu », sur la planète Perelandra (Vénus). Après un rapide déplacement dans l’espace, le champion du Bien y rencontre une délicieuse et ingénue jeune femme, une véritable Eve, qui ne demande qu’à vieillir en expérience. Ainsi après la rédemption, C.S. Lewis évoque le sujet de la tentation dans un monde semblable au jardin d’Eden jusqu’à la nudité sans complexe des protagonistes. En conséquence, dans ce roman très statique, même s’il se déroule sur des îles qui flottent sur un vaste océan, l’émerveillement de la découverte cède très nettement la place à un débat moral. Weston y représente la tentation et Ransom se fait l’avocat du Bien.



     Après cet épisode édifiant, Cette hideuse puissance apparaît comme l’épisode de trop. C. S. Lewis abandonne les planètes étrangères pour concentrer son intrigue sur Terre. Il délaisse le personnage de Ransom qui ne disparaît cependant pas totalement, pour faire d’un couple, dont l’union bat de l’aile, le moteur de son intrigue. Mark est un jeune professeur de sociologie qui enseigne dans la petite université d’Edgertown. Il adhère par conviction et ambition à l’élément progressiste de cet établissement. Son zèle est récompensé lorsqu’il se voit offrir une place à l’INCE, une organisation scientifique d’Etat dont le but est de rationaliser la société. Pendant ce temps, son épouse Jane fait des rêves étranges et prémonitoires. Elle entre en contact avec une société secrète qui combat l’INCE. Cet argument de départ laisse présager une intrigue qui fait la part belle à un complot universitaire et politique. Au final, l’histoire s’avère très rapidement poussive et embrouillée. Les dialogues didactiques enflent au point de devenir littéralement assommants. La dénonciation du mythe scientiste du pouvoir de l’homme sur la nature est amené avec la finesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Et puis, C. S. Lewis mêle à tout cela des éléments du mythe arthurien, ce qui contribue à donner une coloration passéiste à son discours. La réaction comme seule rempart contre le totalitarisme…


    
Dans la perspective d’une connaissance historique du genre, la réédition de la trilogie cosmique de C. S. Lewis n’est sans doute pas inutile. Il convient cependant d’avertir les éventuels lecteurs que nous sommes sur un terrain très daté. Par contre, on aurait pu faire l’économie de la réédition du troisième titre, ce que je me permets d’indiquer en exerçant une sorte de droit d’inventaire.


La trilogie cosmique de C.S. Lewis

-         « Au-delà de la planète silencieuse » - La trilogie cosmique, I – Folio SF, roman traduit de l’anglais par Maurice Le Péchoux

-         « Perelandra » - La trilogie cosmique, II – Folio SF, roman traduit de l’anglais par Maurice Le Péchoux

-         « Cette hideuse puissance » - La trilogie cosmique, III – Folio SF, roman traduit de l’anglais par Maurice Le Péchoux

 

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