Un peu par curiosité, mais surtout par désœuvrement, j'ai entamé la lecture des trois premiers romans de
la série « Cal de Ter » de Paul-Jean Hérault. De la SF aventureuse et populaire comme en publiait jadis la collection « Anticipation » des éditions Fleuve
noir, et comme j'ai pu en lire pendant mes jeunes années.
<3615 mylife>
Je dois confesser avoir beaucoup lu ce genre de livre à une certaine époque, repérant ceux-ci chez un
bouquiniste de la rue Froide à Caen. Pendant un temps, je me suis même enquillé une proportion non négligeable des volumes de « La Compagnie des glaces » de Georges-Jean
Arnaud. Faut croire que j'ai vraiment vieilli...
Dans ma mémoire, ces romans assez courts me procuraient de la distraction, entre deux ouvrages plus
consistants qu'il me fallait ingurgiter pour satisfaire à mon cursus universitaire. Je n'en garde pas un mauvais souvenir, mais il y a des choses que l'on devrait éviter de refaire...
<3615 mylife>
Je ne peux pas dire avoir perdu beaucoup de temps avec ces trois romans. Leur lecture m'a pris en gros trois heures. L'histoire de Cal, dernier terrien perdu
dans l'espace après la destruction de sa planète natale, supporte d'ailleurs très bien de sauter les pages. Aucune déperdition d'information à craindre, l'intrigue ayant, en règle générale,
l'épaisseur d'une feuille de tabac à rouler.
Mais je ne peux m'empêcher de trouver le fait de rééditer ce genre de truc, un peu abusé...
Certes, l'auteur jouit d'un capital de sympathie dans le fandom francophone, si l'on en juge le
prix Cyrano qu'il a reçu en 2005 pour l'ensemble de son œuvre. Pourtant, les trois premiers volumes de la série « Cal de Ter » démontrent autant de panache qu'une bière
éventée sans faux-col.
Pour le coup, j'ai surtout eu l'impression que Laurent Genefort, qui dirige la
réédition de cette série chez Milady, nous proposait un de ses plaisirs régressifs.
Personnellement, j'ai trouvé ça médiocre de bout en bout, pour ne pas dire autre chose de plus
désagréable.
Je m'explique : à lire « Cal de Ter », on a le sentiment que le seul souci de Paul-Jean
Hérault est de reproduire tous les poncifs les plus éculés de la SF populaire. Entre technologie, aussi fumeuse qu'une Gitane sans filtre, et accumulation de stéréotypes, il nous gâte
particulièrement. À tout ceci s'ajoute une idéologie néo hippie, oscillant paradoxalement entre utopie tranquille à base de football et de rugby, et mythe du surhomme. J'en suis resté
baba...
Quid de l'intrigue ?
Est-il bien nécessaire de l'infliger aux lecteurs de ce blog ? (Je devine comme une impatience
déviante...)
Baste ! Faisons taire le suspense.
Cal est un logicien (merci papy van Vogt). Doté d'un Q.I. honnête mais instable,
il demeure un être à part parmi les siens. Au cours d'un séjour en clinique (rien de grave, une banale opération de chirurgie esthétique), il est enlevé par son meilleur ami. Profitant de son
anesthésie, le bougre l'expédie dans une capsule vers une destination inconnue. Lorsqu'il émerge de son hibernation, Cal découvre que la Terre et Mars se sont détruites mutuellement. Pas le temps
de se lamenter, sa capsule va atterrir sur une planète bleue avant de s'autodétruire.
Dernier Terrien de l'univers, Cal se voit déjà jouer au Robinson Crusoé sur ce monde étranger. Pas
de chance, celui-ci est habité par des êtres simples et pacifiques. Le voilà propulsé au rang de pygmalion de ce peuple, en position de donner un petit coup de pouce à l'évolution. Car Cal a le
projet de créer une civilisation meilleure que celle de la Terre. Et pour lui donner un coup de main, il peut compter sur les ressources illimitées de la dernière station cachée des Loys, une
race extra-terrestre disparue...
On s'en tiendra là pour l'histoire, de crainte d'en révéler tous les ressorts (ils ne sont pas bien
complexes).
On le constate rapidement, au propos un tantinet condescendant et entaché du fardeau de l'homme
blanc, s'ajoute une intrigue simpliste brassant les mêmes recettes dans chacun des trois romans. On peut d'ailleurs résumer celles-ci de la façon suivante : Cal se réveille de son hibernation, il
découvre le monde qui l'entoure, un danger survient, de nature belliqueuse, religieuse ou cosmique, il le surmonte avant de reprendre son somme pour quelques centaines d'années supplémentaires.
En véritable Hari Seldon couillu, il corrige ainsi à plusieurs reprises l'évolution de SA planète, mise à mal par les aléas de l'Histoire.
Soyons honnête, même si le procédé ne m'a pas rebuté, après tout de nombreux auteurs populaires utilisent le même, cela ne marche
absolument pas ici.
La narration est dépourvue de toute tension dramatique. Les méchants brillent surtout par leur
nullité et les rebondissements sont au mieux téléphonés, au pire télégraphiés.
Hérault se contente d'énoncer des faits, alternant mécaniquement des chapitres à la première et à la
troisième personne du singulier, sans exploiter littérairement le changement de point de vue. Enfin, les actions de Cal sont aussi crédibles que les promesses de François
Hollande. Mais en même temps qu'attendre d'autre d'un personnage ayant la psychologie d'une huître ?
Au final, « Cal de Ter » s'avère une série besogneuse, dépourvue de tout souffle épique,
où l'absence d'imagination se conjugue à un propos réactionnaire. Dire que l'on a tué des castors pour rééditer ce machin !
Personnellement, ce sera no more Hérault pour moi à l'avenir...
« Cal de Ter » de Paul-Jean Hérault – Label Milady (réédition des trois romans : Le Rescapé de la Terre
[1975], Les Bâtisseurs du monde [1976] et La Planète folle [1977])