Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : le blog yossarian
  • : Grand lecteur de romans noirs, de science-fiction et d'autres trucs bizarres qui me tombent sous la main
  • Contact

Recherche

12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 18:39

 

     J’ai commencé à lire du Catherine Dufour tardivement. Ouais ! C’était à l’époque où on la surnommait encore le Terry Pratchett français. Vous imaginez un peu le truc, hein ! Un mec. On la comparait à un mec. La honte ! Rien que d’y penser, j’ai les glandes qui se mettent en rideau.

     Elle avait écrit une série, style parodie du Seigneur des Anneaux. Respect ! Total respect Le seigneur des Anneaux, hein ! J’suis fan, quoi ? Bon, je n’ai jamais lu ses bouquins, à elle. Ouais ! J’en ai beaucoup entendu parler, par contre. Des trucs, genre : « Rhalala, trop drôle Dufour ! ». Ou genre : « c’est hachement plus profond qu’on le dit ». Le propos, hein ! Pas l’auteur. Moi, je ne l’ai pas lu. Alors, je me fie à l’avis des autres. Pour ce qu’il vaut. Tous des cons... Le quand dit raton. Le buse. Tout ce bruit blanc, hein ! Ça faisait un raffut du diable, à l’époque.

     Elle mobilisait de la bande passante la Dufour. Ouais ! On la lisait partout, on la voyait partout. Une vraie icône. Y’avait plus qu’à la cliquer pour la faire apparaître. Faut dire qu’elle savait y faire, hein ! Elle avait un double virtuel pseudonymé Katioucha. Ouais. Avec, elle écumait les sites Web, style Actu esfeff, vous savez, le genre de communauté de geeks. Des types poilus partout, blancs comme des endives et qui ne se lavent pas les dessous de bras. Trop la honte ! Ou alors, l’autre site là, celui qui s’appelait le Caviar Cosmique. Des élitistes qui ne se mouchaient pas avec le dos de la petite cuillère. Carrément dégueu, hein ! C’est vrai, quoi ! C’est intime une petite cuillère. Un peu comme une brosse à dents, hein !

     A force de lire son nom partout, de voir sa trombine de fouine à droite et à gauche - c’était un clippeur du nom de Daylon qui lui tirait le portrait -, ben j’ai fini par la lire. J’suis influençable, hein ! C’est con. Ouais, je sais.

     L’accroissement mathématique du plaisir que ça s’appelait. Pas facile à retenir, hein ! C’était un recueil de nouvelles. Des chinoiseries avec ou sans chichis, des trucs même pas écrits en français courant, avec des titres à coucher dehors, genre Vergiss mein nicht. A tes souhaits la vieille ! Ouais. Eh bien, j’ai aimé. Vrai de vrai, hein !

     A l’époque, je vivotais au crochet du fandom. Un truc de dingues, un vrai panier de crabes ; des vieux, des jeunes, des toutes les couleurs, gonzesses et mecs. Des dingues, je te dis ! Des tordus qui vous embrassaient aussi vite qu’ils pouvaient vous exploser leur acné à la gueule. Des viandards qui passaient leur temps à enculer les mouches ou en s’envoyer des vannes, style : « tu l’as vu, hein, mon cul ! »

     Bref, je dois l’avouer, j’ai couché, ce qui m’a permis de récupérer le nouveau bouquin de la Dufour avant les autres, les toqués du Web. Ouais. Outrage et rébellion que ça s’appelait. Lorsque j’ai eu l’objet en main, je ne te dis pas la stupeur ! Je crois que j’en ai eu des tremblements. Le manque, déjà. Bon, après je l’ai ouvert, le bouquin.

     D’abord, ça m’a globalement saoulé. Pour résumer, c’est l’histoire d’une bande de jeunes qui s’envoient en l’air. Ouais. Ils carburent à la musique et à l’énergie, et s’enfilent par tous les trous et les veines des trucs pas très recommandables, hein ! Ça suce, ça baise, ça picole, ça gerbe, ça pine, ça pue, ça se mutile, ça brûle sa vie par les deux bouts et ça joue de la musique très fort. Des jeunes, quoi !

     Parmi eux, il y en un, marquis, qui devient une légende. Pas un guitare zéro ! Non, une icône ! Lui aussi, mais dans le genre rock’n’trash, hein ! Un vrai taré, style les geeks de Actu esfeff. Le mec, il chante comme une casserole, hein ! Mais, ça n’a pas d’importance, ils veulent tous coucher avec, les filles et les mecs. Marquis, il ne cause pas dans le bouquin. Ce sont les autres qui causent pour lui, hein ! Et ils causent, genre jeune quoi ! Et ça défile comme ça pendant plus de trois cent pages. Un vrai casting ! Ouais. C’est ça qui saoule.

     Pour oublier leurs malheurs et pour exprimer leur révolte, ces jeunes, ils sexultent au souvenir de marquis. Parce que la vie n’est pas gaie dans le futur à l’autre, la Dufour. On ne rigole pas du cul tous les jours, hein ! Genre réchauffement climatique et pollution à tous les niveaux, rouges de préférence. Ouais. Et puis, il y a des gens, genre privilégiés qui crèchent en haut de tours, d’autres qui cuvent dans des banlieues souterraines et des zombis des caves qui végètent juste à la lisière du sol, là où c’est le plus dur. Ouais. Et que ça pue le chien mouillé mort depuis cinq jours, là-dedans.

     C’est là qu’elle est forte la Dufour, hein ! Mine de rien, elle nous le fait passer en loucedé son futur. Ça imprègne la caboche, ça colle à la rétine comme un mollard et puis ça prend aux tripes. Pas pessimiste, ni optimiste, juste lucide. Elle a tout compris la Dufour. Ouais. Et puis, elle sait river son clou avec des formules choc, des trucs genre : « quand ça sera mon tour, je sortirai en courant de ce monde où le réel n’est que boue de forage du rêve. » J’ai rien compris, mais ça me troue le cul quand même. Ouais.

     Du coup, je crois que je vais replonger avec son autre bouquin qui cause du futur, là. Le goût de l’immortalité que ça s’appelle. Ouais. A ski paraît, on a même besoin d’un dico pour le déchiffrer, hein !

     Elle m’a bien eu la Dufour, en fin de compte. Ouais ! Je suis encore tout imprégné par son bouquin.

 

outrage-et-rebellion.jpg 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Outrage et Rébellion de Catherine Dufour - Réédition Folio/SF, mars 2012

Partager cet article
Repost0
31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 14:41

     Continuons le massacre...

 

     Oyez ! Oyez !


     Voici la suite tant attendue de la Geste de Guillaume de Beaujeu, de son irrésistible et mâle ost. Après la Terre, c’est l’univers qui s’ouvre désormais à la détermination, à la témérité et à l’astuce de nos vertueux héros. Le bon droit est bien sûr de leur côté, même si dans l’ombre les fourbes chuchotent et complotent.

     Au terme de L’Empire du Baphomet, Guillaume, ses vassaux et ses alliés s'étaient libérés de l’emprise maléfique du Baphomet. Restait la menace de la planète forteresse Baphom, entièrement garnie de ces êtres démoniaques.
     Las, le combat doit donc reprendre incessamment, faute de quoi la doulce Terre risque de succomber, le berceau de la vraie foi se muant en sépulcre de la race humaine.
     Fort heureusement, malgré leur désarroi, les chevaliers du Christ disposent toujours du renfort de leur foi inébranlable. Ils jouissent également des pouvoirs psis de leurs alliés Thibétains, leur permettant d’anticiper les actes des fourbes créatures à face de Géhenne. Enfin, ils gardent dans leur arsenal un duplicopieur avec lequel ils comptent multiplier armes et nefs d’outre espace, comme un christ à la noce.

     Reste à régler quelques controverses religieuses. La croisade est-elle une action pieuse ? Les habitants des cieux sont-ils pourvus d'une âme ? Peut-on envisager leur évangélisation ? Ces interrogations méritent des réponses car elles engagent le salut de nos vertueux chevaliers. Assemblés en concile, les fiers croisés discourent longuement avant de mettre le dogme chrétien en accord avec la multitude étrange des nouveaux mondes. Halleluya ! Chantons le cantique des quantiques !!

     Bientôt, l’Ost s’élance à la conquête des cieux et, à force de ruse et de prouesses, s’empare des places fortes de l’ennemi. Au fil des combats, les rudes soldats se familiarisent avec leurs nouvelles armes – notamment les redoutables émetteurs de quarks, les mines vhortex et les dispositifs antiquarks – et s’émerveillent des races étrangères qu’ils rencontrent. Autant d’âmes à ramener dans le giron de la Vraie Foi. Autant de duchés, de comtés, de baronnies à se partager. Autant de belles autochtones à séduire et à prendre d’assaut, avec ou sans élan du cœur. 

     Las, les doutes assaillent le maître de l’ordre Guillaume. Dieu est son droit mais a-t-il tous les droits ?
     En outre, on murmure et complote dans son dos. Les Hospitaliers, la papauté s’apprêtent à le destituer. Les Thibétains font défaut. La crise de foi risque de se muer en crise du pouvoir.

     Et puis, Baphom apparaît en ligne de mire pour l’ultime assaut. Retranchés dans leur inexpugnable castel, repus de richesses et de vils plaisirs, les sybarites baphomets sont sur leur garde. Toutefois, ils ne sont déjà plus que l’ombre d’eux-mêmes, drogués par le rusé Marco Polo grimé en marchand extra-terrestre. Néanmoins, les immondes démons ont encore de la ressource. Ils ne comptent aucunement en rabattre.
     Dans un contexte apocalyptique, la fin de la croisade se profile sur un horizon irradié par la victoire totale de la Chrétienté et les quarks en goguette (Mâtin quel lyrisme !). Mais, je n’en dis davantage, ménageant la suspension de l'incrédulité...

     Montjoie Saint Denis ! Quelle lecture !

 

 

Croisadestellaire

 

 

 

 

 

 

Croisade stellaire de Pierre Barbet - Fleuve noir, collection Anticipation, 1974

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 15:52

     Un petit amuse-gueule, en attendant des choses plus consistantes...

 

     Après moult lectures dans d’autres domaines, l’étreinte de l’uchronie s’est à nouveau faite sentir. Vers quel roman porter mon choix ? Cruel supplice que celui-ci. Fort heureusement, dans sa grande miséricorde, la Providence a guidé naguère mes pas vers un ouvrage de Pierre Barbet.  Un modeste opus de 158 pages s'intitulant de manière fort grandiloquente L'empire du Baphomet.
     Baste ! Peut me chaut l’hideuse couverture de l’enlumineur Caza et le velin rendu velu par l’âge de l’ouvrage. Je me suis rué sur le susnommé roman et me suis rassasié de sa prose. Et comme je suis un prud’homme, laissez-moi vous narrer celle-ci.

     Au cours d’une chasse solitaire à la grosse bête, Hugues de Payn, modeste chevalier mais déjà ardent chrétien, est distrait par la chute d’un artefact igné. N’écoutant que son courage, le féal court sus à l’objet, faisant ainsi la rencontre d’un être à l’apparence démoniaque : le Baphomet. Incontinent, le démon lui propose un marché. Faire profiter Hugues de son savoir et de son art en échange d’une pitance quotidienne. Ah ah ! s’exclame Hugues, tout de suite intéressé. Et il échafaude ses plans pendant que l’idole déjeune. (j'honni qui a l’idée de mal penser !)
     Quelques années plus tard, l’ordre des Templiers, fondé par Hugues afin de défendre la Terre Sainte, dépêche sur place Guillaume de Beaujeu et quelques braves dans le dessein de sauver Saint-Jean-d’Acre. Dès son arrivée, l’ost hardi, convaincu du bien-fondé de sa mission, lève en ces lieux le ban et l'arrière-ban des forces chrétiennes pour porter le fer de la vraie foi dans le cœur perfide des idolâtres mahométans. Le Baphomet a confié à cette avant-garde du Christ, quelques grenades atomiques, histoire de faciliter sa tâche. Mais, c’est un jeu de dupes que se livrent Templiers et Baphomet. Les premiers ne souhaitent que s’affranchir de leur encombrant parrain, pendant que ce fils de drôlesse ourdit secrètement dans son antre l’asservissement de l’espèce humaine.
     Et comme si cela ne suffisait pas, Guillaume ambitionne d’utiliser les armes foudroyantes de l’entité afin de conquérir le monde pour son propre compte, quitte à affronter la puissance des multitudes du khan des khans, Qoubilaï.
Mordiou ! Voilà le début d’une épopée mémorable.

     Petit entracte narrant l’arrivée de la coalition à Bagdad.


« La cour de Bagdad n’avait certes pas usurpé sa réputation de faste, n’était-ce point dans cette cité que l’on tissait les plus belles soies du monde ? Les yeux éblouis, Templiers, Francs et Anglais ne savaient où donner du regard.
Quel contraste entre leurs armures ternies pas le sable, maculées de sang séché et le faste de ce palais des Mille et Une Nuits où satins, brocarts d’or, mousselines chatoyaient sous la lumière d’innombrables lampes à huile finement ciselées dans le cuivre.
Tous se sentaient un peu déplacés en un tel lieu.
La princesse, entourée de ses suivantes et de ses ministres, siégeait sur un trône d’or serti de pierres précieuses. Un léger voile lui masquait en partie le visage et elle portait une tunique violine arachnéenne. Dès qu’il eut contemplé son harmonieuse beauté, Jean de Grailly se senti subjugué. Pour lui, rien n’existait en dehors de cette déesse sortie d’un conte oriental.
Guillaume de Beaujeu, lui, n’était point sensible à ses charmes. Pourtant, lorsqu’elle se jeta à ses pieds, le conjurant de l’épargner, elle et les siens, il la releva d’un geste maternel, assurant :
Ma douce fille, j’aurais grand-honte de me conduire céans en brutal conquérant. Certes, il m’a fallu combattre et, hélas ! tuer le Khan Abaka, votre époux, mais je ne l’ai fait que dans le seul but d’imposer la vraie religion à laquelle vous appartenez. Vous conserverez le trône de Bagdad lorsque je serai parti plus loin poursuivre notre juste croisade. En attendant, je vous demande de nous considérer comme des hôtes et des amis loyaux.
La princesse sembla fort émue par ces paroles et des larmes ruisselaient sur son visage. A cette vue Jean de Grailly ne put se contenir, il se précipita vers elle, saisit respectueusement sa main parfumée de rose et la plaça sur sa tête, puis il s’écria :
Par le ciel, madame, moi Jean de Grailly, fais ici le serment solennel d’être à jamais votre chevalier servant. Si quelqu’un vous faisait affront, je suis prêt à lui rendre raison. »

     Que personne n’ait l’outrecuidance de penser que ce roman est une guieuserie banale sinon il pourrait lui en cuire. L’empire du Baphomet est juste une guieuserie historique. Ça ripaille, ça tripaille dans ce roman en V.O. médiévale. Les ribaudes y lutinent, même le prud’homme, comme des diablesses. Mais l’ost, dans sa mâle détermination, œuvre pour la plus grande gloire de Dieu. Les caparaçons rutilent, les chevaliers ferraillent bravement dans leur blanc harnois, écartant quasiment sans coup férir un ennemi de pacotille.
     Et on n’arrête pas de s’esbaudir à tour de page.

 

 

 

 

Baphomet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’empire du Baphomet de Pierre Barbet  - Fleuve noir, 1972 - Reedition J’ai Lu, 1977

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 14:27

« Quand il se réveillait dans les bois dans l’obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l’enfant qui dormait à son côté. Les nuits obscures au-delà de l’obscur et les jours chaque jour plus gris que celui d’avant. Comme l’assaut d’on ne sait quel glaucome froid assombrissant le monde sous sa taie. »

Un homme, un enfant avec pour unique bagage le contenu d’un caddie.
Un père et son fils qui marchent sur la route, à la fois fil conducteur du récit et ligne de fuite pour eux. Nous ne saurons rien de plus, ni sur le passé des deux survivants, ni sur l’origine de la fin de l’humanité.
L’homme et l’enfant traversent un paysage calciné. Ensemble, ils marchent vers le sud. Vers la côte. Vers l’espoir, peut-être.
Toujours sur la route.

« Sur cette route il n’y a pas d’homme du Verbe. Ils sont partis et m’ont laissé seul. Ils ont emporté le monde avec eux. Question : Quelle différence y a-t-il entre ne sera jamais et n’a jamais été ? »

Du passé, ce qui a été, il ne reste rien. Ou si peu.
Juste des vestiges, même pas des reliques.
Des villes pillées et désertées ; des maisons éventrées, leurs œuvres vives exposées à la pluie et au vent ; des épaves de véhicules attaquées par la rouille ; des friches incultes souillées par la cendre ; des squelettes d’arbres charbonneux qui hachurent l’horizon, des carcasses animales et humaines desséchées ; un monde ossifié sous un soleil blafard.
Des descriptions dépouillées jusqu’à l’épure. Economie de mots, maximum d’effet.
Et la route.

« L’enfant lui posait parfois des questions sur le monde qui pour lui n’était même pas un souvenir. Il avait du mal à trouver une réponse. Il n’y a pas de passé. Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Mais il avait renoncé à lui dire des choses de son invention parce que ces choses-là n’étaient pas vraies non plus et ça le mettait mal à l’aise de les dire. L’enfant avait ses propres illusions. Comment est-ce que ça serait au sud ? Y aurait-il d’autres enfants ? Il tentait d’y mettre un frein mais son cœur n’y était pas. Qui aurait eu le cœur à ça ?»

Quelques souvenirs d’avant hantent l’homme, mais l’enfant est vierge de ceux-ci.
Vagues clichés d’antan, ultimes touches colorées dans un environnement désespérément gris.
Ce sont désormais des fables, un pâle reflet du monde d’avant, de toute manière condamné à disparaître avec l’homme.
Mais pas la route.

« Aucune liste de choses à faire. Chaque jour en lui-même providentiel. Chaque heure. Il n’y a pas de plus tard. Plus tard c’est maintenant. »

L’existence réduite à l’essentiel : manger, dormir, se protéger des intempéries.
Marcher sans cesse, par étapes.
Economiser ses forces, sans oublier de chercher de quoi survivre : des boîtes de conserve rescapées, des grains tamisés, des fruits déshydratés, de l’essence éventée, des balles pour le revolver et d’autres objets manufacturés à faible valeur joutée mais à haute valeur vitale.
Des blocs de texte qui rythment la marche. Des dialogues brefs qui expriment eux-aussi l’essentiel de la vie.
Sur la route.

« On n’est pas des survivants. On est des morts vivants dans un film d’horreur. »

Marcher encore. Impossible de s’arrêter ou pas trop longtemps car les autres guettent.
Les autres survivants. Les méchants.
Une humanité retournée au stade des chasseurs-cueilleurs. Chasseurs de viande humaine et cueilleurs des derniers fruits de la civilisation, glanés dans les ruines ou dérobés à son prochain : des concurrents dans la course à la vie. Des prédateurs, bourreaux et victimes confondus.
Seuls contre tous, l’homme et l’enfant marchent. L’angoisse leur noue les tripes. Le péril est réel et imprévisible.
Pourtant l’espoir n’a pas déserté complètement le cœur de l’enfant. Peut-être, y a-t-il encore un autre homme et un autre enfant qui vivent ailleurs.
Peut-être même au bout de la route.

« Il n’y a pas de dieu et nous sommes ses prophètes. »

Qu’est-ce qui les fait encore avancer ? En-dehors du mouvement mécanique de leurs pas. Qu’est-ce qui les porte toujours en avant ?
L’instinct de conservation ?
La foi tout simplement. Marcher est un acte de foi.
Mais Dieu est mort. Et de toute manière « Là où les hommes ne peuvent pas vivre les dieux ne s’en tirent pas mieux. »
Pourtant le monde recèle encore de nombreuses merveilles pour qui sait regarder. Pour qui croit.

« Il faut que tu portes le feu.
Je ne sais pas comment faire.
Si, tu sais.
Il existe pour de vrai ? Le feu ?
Oui, pour de vrai.
Où est-il ? Je ne sais pas où il est.
Si, tu le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois.
»

«La Route» [«The Road», 2006] de Cormac McCarthy - Editions de l'Olivier, 2008 (traduit de l'anglais [Etats-Unis] par François Hirsch)

 

Partager cet article
Repost0
30 septembre 2006 6 30 /09 /septembre /2006 08:37

We don’t serve your country 

Don’t serve your king 

Know your custom don’t speak your tongue 

White man came took everyone 

We don’t serve your country 

Don’t serve your king 

White man listen to the songs we sing 

White man came took everything 

We carry in our hearts the true country 

And that cannot be stolen 

We follow in the steps of our ancestry 

And that cannot be broken 

We don’t need protection 

Don’t need your land 

Keep your promise on where stand 

We will listen we’ll unterstand 

Mining compagnies, pastoral compagnies 

Uranium compagnies 

Collected compagnies 

Got more right than people 

Got more say than people 

Forty thousand years can make a difference to the state of things 

The dead heart lives here. 

The dead heart – Midnight Oil

Prologue 

 

Tropisme irrésistible.

Les pulsations poisseuses de la mer martèlent la laisse mousseuse du bas de plage. La mer parle. La mer chante. Pour qui ?   

Le vent soufflant par-delà l’horizon - soleil couchant – ébouriffe ses cheveux et modèle son épiderme nu.   

Il fait chaud.  

En ce lieu sacré, saint des saints auquel il est charnellement attaché, c’est l’heure du Rêve. Instant d’intemporalité, qui fut et qui est. Période primordiale et état de l’être où s’unissent le présent, la mémoire vivante et le passé ancestral.  

Mémoire du présent qui le rappelle à l’ordre.   

L’éternité doit s’effacer. Le monde le rappelle à son souvenir. Yurlunggur, le serpent sacré est-il réveillé ?   

Va-t-il vomir un monde devenu plus adulte ?   

Non.   

Une promesse doit être exaucée.   

Un serment tenu.   

Restituer dans le temps réel quelques impressions pour l’instant en gestation.  

Le moment approche.   

Bientôt.   

Maintenant.   

Accélération.  

 

Face A : Le Temps réel 

 

 

Fox est jeune.   

Fox veut réaliser ses rêves. En particulier, celui de sa compagne Flamme. La belle désire arpenter le sol australien. Mais, la vie est courte. Aussi Fox court-il, sans cesse, après le coup suivant, celui qui lui permettra de s’envoler, c’est sûr, vers la terre australe promise.   

Fox est malin. Il deale de la cocaïne dans les coins louches du parvis de la Défense. Il consomme aussi. La coke aiguise ses facultés. Elle accélère ses réflexes, dope son intellect, assouplit son corps, efface la peur et occulte la douleur. Il est meilleur. Il est LE meilleur.   

Fox est Affûté. Toujours à la recherche du « gros coup ». Le dernier, celui qui lui permettra de s’offrir son billet. Mais, la course est sans fin. La déchéance approche. A moins, que cette dernière combine ne le mette à l’abri.   

Il doit livrer des armes à des inconnus dans un parking souterrain. Trois types louches à l’allure et aux manières sauvages. Peu importe l’usage qu’ils en feront. Ce qui compte, c’est le pactole. La grosse galette (« roule roule la galette »).  

C’est Joao qui l’a mis sur le coup. Un mec droit mais un peu énigmatique. Fox le croit indien. L’est-il vraiment ? Fox ne voit pas cette belle porte qui détonne dans l’appartement sordide du supposé indien. Lourde, taillée dans un beau bois veiné, poncée et polie jusqu’à être aussi lisse qu’une peau d’enfant. Que masque-t-elle ? Une chambre ou un autre sanctuaire plus primordial ? La question n’est pas posée. Peut-être plus tard par Flamme à la recherche de son homme.   

En attendant, l’affaire dérape. Les événements se cabrent. Sin, un des potes de Fox, morfle. Coma profond. Fox est surveillé puis pourchassé par les féroces du parking qui se révèlent être les Tueurs de la Nouvelle Lune. Son appartement est dévasté et Flamme demeure introuvable. Sans doute est-elle morte comme l’atteste le cadavre défenestré en bas de l’immeuble.   

Fox s’échappe au volant de sa Toyota. Il se souvient des deux mots inscrits comme une balafre sanglante sur le mur de son appartement : DHUNUPA ROM. « Telle est notre Loi ».   

Quelle loi ? Son destin lui glisse entre les mains. 

 

Face B : Le Temps du rêve 

 

Sur l’autoroute, Fox roule pied au plancher. Il hallucine. Les informations se télescopent dans sa caboche. Son cerveau carbure aussi vite que sa voiture et risque la surchauffe.   

La police le traque-t-elle ou non ? Flamme est-elle vraiment morte ? Les Tueurs de La Nouvelle Lune,  leur chef Redrun en tête, sont-ils à ses trousses ?  

Il enfourne une cassette dans l’autoradio de la Toyota. Les premières notes de « Gimme shelter » de The Sisters of Mercy résonnent dans l’habitacle.   

 

Oh, see the storm is threatening
My very life today
If I don’t get some shelter
Yeah, I’m gonna fade away

War, children
It’s just a kiss away
It’s just a kiss away
Yeah

Oh, see the fire is sweeping
Down through the streets today
Burning like a bright red carpet
Another fool who lost the way

Rape. murder.
It’s just a kiss away
It’s just a kiss away
Yeah

Oh, see the storm is threatening
My very life today
If I don’t get some shelter
Yeah, I’m gonna fade away

Love, sisters
It’s just a shot away
It’s just a shot away
Love, sisters
It’s just a shot away
Shot away
Shot away

War, children
It’s just a kiss away
It’s just a kiss away
War, children
It’s just a kiss away
Kiss away
Kiss away

Rape. murder.
It’s just a kiss away
It’s just a kiss away
Rape. murder.
It’s just a kiss away
Kiss away
Kiss away

 La nuit est tombée.   

Soudain une Saab 900 Turbo noire aux vitres teintées bleue le prend en chasse. Elle déboîte, le menace. Les étincelles fusent, le véhicule tangue. Elle l’a touchée. Ce sont les tueurs de la Nouvelle Lune forcément - Redrum au visage noir couturé de cicatrices et ses deux sbires. La course-poursuite s’engage. Road movie ? Non, stock-car movie.  

Fox slalome entre les autres voitures. Il accélère, freine, déboîte. Rien n’y fait. La Saab lui colle au pare-choc. Les phares éclairent l’intérieur de l’habitacle dessinant sa silhouette dans le miroir de courtoisie. Les chasseurs le mirent dans leur ligne, prêt à faire un carton. Ils sont acharnés et ne le lâcheront pas.  

Le Rêve se substitue à la réalité sans que la drogue n’y puisse plus rien. La cocaïne est un allié puissant mais elle ronge le cerveau. La sueur colle à son épiderme glacé comme la peau d’un serpent. Yurlunggur, le python sacré est réveillé. Fox n’a plus de prise sur son destin. Il fonce, droit devant. Les rails de sécurité sont comme les parois rayées du canon d’une arme. Il doit combattre.   

Plus le temps de s’effrayer.   

Plus le temps de songer à Flamme.   

No time for cry  

It's just a feeling
I get sometimes
A feeling
Sometimes
And I get frightened
Just like you
I get frightened too
but it's...

(no no no) No time for heartache
(no no no) No time to run and hide
(no no no) No time for breaking down
(no no no) No time to cry

Sometimes in the world as is you've
Got to shake the hand that feeds you
It's just like Adam says
It's not so hard to understand
It's just like always coming down on
Just like Jesus never came and
What did you expect to find
It's just like always here again it's...

(no no no) No time for heartache
(no no no) No time to run and hide
(no no no) No time for breaking down
(no no no) No time to cry

Everything will be alright
Everything will turn out fine
Some nights I still can't sleep
And the voices pass with time
And I keep
[repeat]
No time for tears
No time to run and hide
No time to be afraid of fear
I keep no time to cry

(no no no) No time for heartache
(no no no) No time to run and hide
(no no no) No time for breaking down
(no no no) No time to cry 
  

The Sisters of Mercy  

La destination de Fox est déjà fixée. Au bout de la piste asphaltée sur une plage, Yurlunggur l’attend. Honorera-t-il son rendez-vous ? Renaîtra-t-il, craché violemment, à la face du monde ? A lui de modeler son avenir.   

Et les chants retentissent de plus en plus forts dans sa tête. Sourds, graves, monotones et accompagnés d’un cliquetis rythmé.

 

Epilogue 

 

Le roman est posé sur le bureau dans le passé et pourtant il reste bien présent. Bon récit, court et nerveux. Il reste imprimé dans sa mémoire. Le taux d’adrénaline dans le sang qui pulse dans ses tempes, redescend peu à peu.   

Son voyage immobile en une autre dimension est terminé. Moment d’écriture accouché au forceps.   

Il lira un autre livre, un autre jour.   

Pour l’instant, la mer dont le ressac découvre et recouvre la plage éternelle l’appelle.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

 

Titre : Yurlunggur

 Auteur : Jean-Marc Ligny  

 

 

Edition : Présence du Futur n°439, Fantastique, 1987

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0