8 novembre 2012
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Les textes
estampillés McSweeney’s sont des petits bijoux à la prose ciselée, enchâssés dans des écrins aux exigences esthétiques
tout sauf banales. La sobriété trop classique de l’édition française, dans la collection Du monde entier de Gallimard ne lui rend pas du tout justice.
La troisième livraison, intitulée Méga-anthologie d’histoires effroyables, débarque dans l’Hexagone sous le patronage engageant de Michael Chabon. Vingt auteurs s’encanaillent avec les genres dits mauvais ou mineurs. Le résultat est inégal mais globalement réjouissant.
La troisième livraison, intitulée Méga-anthologie d’histoires effroyables, débarque dans l’Hexagone sous le patronage engageant de Michael Chabon. Vingt auteurs s’encanaillent avec les genres dits mauvais ou mineurs. Le résultat est inégal mais globalement réjouissant.
Lorsqu’il fonde en 1998 les éditions McSweeney's, Dave Eggers se fixe comme objectif d’accueillir les textes, quelque peu
borderline, qui ne trouvent pas preneur ailleurs. Derrière cette belle déclaration d’intention s’est révélé rapidement un collectif d’auteurs ambitieux attirés par le format de la
nouvelle et qui ne rechignaient pas, à l’occasion, à explorer les territoires interlopes de la littérature. McSweeney’s s’affirme ainsi comme un générateur d’expérimentations
textuelles et visuelles talentueuses dont on peut goûter les élans créatifs dans quelques livres, une revue trimestrielle, un mensuel critique et une revue DVD de courts métrages.
Les deux précédents recueils traduits chez Gallimard proposaient un florilège de nouvelles qui ne faisait qu’effleurer la
production de l’éditeur américain. Le troisième volume annonce d’emblée la couleur : s’amuser avec les genres dits populaires et infréquentables. Comment rester impassible devant
pareille perspective ?
Il est
toujours intéressant de lire les textes d’auteurs qui ne sont pas coutumiers de ces genres, au moins pour avoir un aperçu de leurs représentations sur un domaine qu’ils ne pratiquent pas
régulièrement ou n’ont pas pratiqué, en tant que lecteur, depuis leur adolescence. Certes, l’exercice est ici quelque peu biaisé du fait de la présence au sommaire de quelques écrivains
connus des cercles déviants lisant exclusivement romans noirs, littérature fantastique, science-fiction, récits d’aventures et autres bizarreries. Curieusement, les nouvelles de ces auteurs
confirmés s’avèrent les moins convaincantes du recueil.
Difficile en effet, de juger autrement les contributions de Stephen King [une resucée de pistolero], de Neil Gaiman [un peu poussif quand même], de
Harlan Ellison [une dangereuse vision atteinte de myopie sans aucun doute], de Michael Crichton [médiocre, à l’image de toute son œuvre] et de
Michael Moorcock [ennuyeux dans une enquête vaguement uchronique au cœur du premier cercle des dirigeants nazis]. L’ensemble flirte avec le banal, le besogneux et le très
mauvais. On tourne les pages avec lassitude, lorsqu’on ne s’y ennuie pas carrément en raison d’une narration convenue manquant singulièrement du souffle et des flamboiements imaginatifs que
peuvent inspirer les « mauvais genres ».
Fort heureusement, les autres textes sont un cran au-dessus. Dans La danse des esprits, Sherman
Alexie ressuscite les défunts de la bataille de Little Big Horn dans le cadre d’une histoire de zombies qui, même si elle n’est pas vraiment horrifique, sonne juste par son
propos.
Avec
Tedford et le Megalodon, Jim Shepard fait s’entremêler la quête d’un fossile vivant et un drame intime. Là encore, c’est la justesse du ton et de l’ambiance qui
marque l’esprit.
Les
larmes de Squonk, et ce qu’il en advint de Glen David Gold apparaît comme un récit de vengeance prenant place dans l’univers du cirque. Le meurtrier - un éléphant -
finira, entre autre bizarrerie, lynché.
La
nouvelle de Carol Emshwiller, Le général, frappe par sa tonalité en demi-teinte qui rappelle certains textes de Ursula Le
Guin.
Laurie King nous conte un récit d’aventure dont le héros est une femme solitaire. Toutefois, l’angoisse qui perce dans Tisser les ténèbres, est désamorcée par un
dénouement totalement inattendu.
Le texte
de Aimée Bender apparaît dans cette série, comme la fausse note. Même avec la meilleure volonté du monde, je n’ai pas adhéré à L’affaire des duos
salière-poivrière, une enquête singulière sur un double meurtre narrée de manière mollassonne.
Enfin,
Karen Joy Fowler nous régale avec Tombeau privé 9, d’un récit à l’ancienne où sont convoqués en vrac, une histoire d’amour, une malédiction antique et l’abîme
vertigineux du passé.
Cette deuxième série de nouvelles
dénote d’un véritable effort de leurs auteurs pour investir les codes des mauvais genres. Tout n’est pas encore parfait mais on se régale de l’efficacité des intrigues. Et le meilleur reste
encore à venir...
En effet, l’anthologie atteint son point culminant avec les textes que nous avons gardé pour la fin. Dan Chaon, un auteur inconnu sous nos longitudes, s’aventure du côté du suspense psychologique. Sa nouvelle, Les abeilles, dégage une atmosphère qui noue littéralement les entrailles.
En effet, l’anthologie atteint son point culminant avec les textes que nous avons gardé pour la fin. Dan Chaon, un auteur inconnu sous nos longitudes, s’aventure du côté du suspense psychologique. Sa nouvelle, Les abeilles, dégage une atmosphère qui noue littéralement les entrailles.
Inutile
de revenir sur Peau de chat, la nouvelle de Kelly Link qui figure par ailleurs au sommaire du recueil La jeune détective et autres histoires étranges chez
DLE, si ce n’est pour attirer l’attention sur un écrivain à la prose définitivement envoûtante.
Elmore Leonard, quant à lui très connu des lecteurs de polars livre avec Comment Carlos Webster, rebaptisé
Carl, devint un célèbre policier de l’Oklahoma un joyau noir de la plus belle eau où il nous brosse le portrait d’un vrai dur-à-cuire.
Avec Sinon, le chaos de Nick Hornby, on aborde le versant science-fictif de cette anthologie. L’auteur américain décrit les derniers jours de l’humanité avec les mots, à la fois drôles, foutraques et tendres, d’un adolescent, plus préoccupé par le fait de ne pas finir puceau que par la fin du monde.
Avec Sinon, le chaos de Nick Hornby, on aborde le versant science-fictif de cette anthologie. L’auteur américain décrit les derniers jours de l’humanité avec les mots, à la fois drôles, foutraques et tendres, d’un adolescent, plus préoccupé par le fait de ne pas finir puceau que par la fin du monde.
Le
seau de Chuck de Chris Offutt mélange physique quantique et multivers dans un récit fort sympathique au ton délicieusement enjoué.
Du
haut de la montagne, une longue descente de Dave Eggers est sans aucun conteste l’histoire la plus émouvante du recueil, même si elle paraît en décalage par rapport au
thème de l’anthologie. On y suit, pas à pas, une femme plus très jeune au cours de son ascension du Kilimandjaro. Pour elle, plus dure sera la chute est-on tenté de conclure.
Notes sous Albertine de Rick Moody se révèle le récit le plus dickien. Dans un futur indéterminé, après qu’une catastrophe ait détruit en partie Manhattan, les habitants de New York revivent leurs « bons » souvenirs grâce à une nouvelle drogue. Sauf que ces souvenirs ne sont jamais tout à fait les mêmes. Et peu à peu, la ville se peuple de zombies toxicomanes qui errent, en perte de réalité, les bras troués par les injections répétées. Il faut avouer que la trame de cette nouvelle est ardue à suivre, mais l’atmosphère est tout simplement magnifique.
Notes sous Albertine de Rick Moody se révèle le récit le plus dickien. Dans un futur indéterminé, après qu’une catastrophe ait détruit en partie Manhattan, les habitants de New York revivent leurs « bons » souvenirs grâce à une nouvelle drogue. Sauf que ces souvenirs ne sont jamais tout à fait les mêmes. Et peu à peu, la ville se peuple de zombies toxicomanes qui errent, en perte de réalité, les bras troués par les injections répétées. Il faut avouer que la trame de cette nouvelle est ardue à suivre, mais l’atmosphère est tout simplement magnifique.
Pour
terminer, Michael Chabon nous propose avec L’agent martien, roman d’aventures planétaire le premier épisode d’une uchronie, l’Histoire ayant en effet divergé à
partir de la défaite des insurgés américains. Ainsi les États-Unis n’existent pas, la Couronne britannique gouvernant toujours l’Amérique du Nord.
Michael Chabon
semble avoir apprécié l'expérience d'anthologiste. Il a d'ailleurs récidivé avec un second volet, d’ores et déjà paru outre-Atlantique (McSweeney's enchanted chamber of astonishing
stories). Un volume dont on attend la traduction avec une certaine impatience (on attend encore).
(A noter : l'ouvrage a été
réédité chez Folio SF avec un sommaire allégé)